Les Ukrainiens protestent contre la décision de leur gouvernement de ne pas ratifier l'accord d'association avec l'Union européenne. Kiev aurait cédé à de fortes pression de la part de Moscou.
Les manifestants sont descendus par milliers, vendredi 22 novembre, dans les rues de Kiev, drapeaux ukrainiens et européens en main. Ils protestaient contre la décision de leur gouvernement de suspendre l’accord d’association proposé par l’Union européenne qui devait être signé à Vilnius le 29 novembre prochain.
Malgré la contestation, le rapprochement tant attendu par les Ukrainiens entre Kiev et Bruxelles ne devrait pas avoir lieu. Il prévoyait de mettre en place une zone de libre-échange inédite avec Bruxelles et un régime de visas facilités. Au total, six anciennes républiques soviétiques devaient signer le texte avec les 28 : la Moldavie, la Géorgie, l'Azerbaïdjan, la Biélorussie et l'Arménie - un groupe baptisé par les Européens le "partenariat oriental".
Pris en étau entre l'UE et la Russie, le Premier ministre ukrainien, Mykola Azarov, a finalement choisi de céder aux pressions du Kremlin. "La décision du gouvernement a été prise sur la base de motifs économiques. Elle est de nature tactique et ne modifie pas nos objectifs stratégiques", a-t-il affirmé. La Russie, premier partenaire commercial de Kiev, voyait en effet d’un très mauvais œil ce rapprochement avec Bruxelles. Moscou a notamment menacé de renoncer aux importations de produits ukrainiens si un accord était signé.
Poutine accuse l'UE de chantage
La Russie le sait, une rupture du partenariat commercial avec l'Ukraine entraînerait des conséquences désastreuses sur l'économie de l'ancienne république soviétique, déjà en bien mauvaise posture. En récession avec désormais cinq trimestres d'affilées de contraction de son produit intérieur brut, l'ex-république soviétique traverse une période particulièrement difficile. Son endettement a explosé ces dernières années et dépasse désormais 30 % de son PIB, contre moins de 10 % avant la crise de 2008-2009, et le déficit budgétaire pourrait dépasser 8 % cette année.
À Moscou, Vladimir Poutine se défend d'avoir forcé Kiev. "Nous avons entendu des menaces de la part de nos partenaires européens concernant l'Ukraine, des menaces qui appelaient le peuple à organiser des manifestations. Ça c'est de la pression, ça c'est du chantage", a affirmé le président russe.
C'est la première fois depuis l'éclatement de l'URSS en 1991 que le Kremlin parvient à empêcher une ancienne république soviétique de se rapprocher de l'Europe occidentale pour la maintenir dans le giron moscovite.
Ioulia Timochenko reste en prison
L’opposition ukrainienne, quant à elle, crie à la trahison. "Les portes de l'Union européenne ne sont pas fermées. Nous devons jusqu'au bout faire pression sur ses leaders pour que l'accord soit signé la semaine prochaine", a affirmé Vitaly Klitschko, leader de l’opposition.
Dans la foulée du refus de signer l'accord de Vilnius, les députés ukrainiens ont également rejeté les projets de loi qui auraient permis à l'opposante et ex-Premier ministre Ioulia Timochenko de sortir de prison. Sa libération était une condition clé posée par l'UE avant la signature de l'accord d'association. Dans une lettre ouverte diffusée vendredi, la quinquagénaire a mis en garde le président ukrainien Viktor Ianoukovitch contre la poursuite de sa politique. "Si vous pensez pouvoir continuer à bluffer, faire du chantage et jouer entre les deux civilisations pour rester au pouvoir, vous vous trompez", a-t-elle écrit dans une lettre ouverte.
L'Occident "vous abandonnera parce que ce n'est pas un club de rééducation d'hommes politiques frustrés et la Russie vous laissera plus tard devant un choix : elle sauvera l'économie ukrainienne de l'effondrement au prix de la perte de l'indépendance", a-t-elle conclu.
Face à ce tollé, l’Ukraine a proposé de lancer un dialogue à trois avec l’Union européenne et la Russie, sous la forme d’une commission tripartite sur le commerce. Une proposition accueillie avec scepticisme par Bruxelles qui ne ferme pas la porte au dialogue. Viktor Ianoukovitch reste "évidemment" le "bienvenu" au sommet qui se tiendra les 28 et 29 novembre dans la capitale lituanienne, a assuré Maja Kocijancic, porte-parole du service diplomatique de l’UE. De nouvelles manifestations sont prévues en Ukraine dans les prochains jours.
Avec dépêche AFP