Pour les joueurs français, la guerre des consoles “nouvelle génération” débute ce vendredi avec la sortie de la Xbox One. Mais pour son créateur, Microsoft, c’est une plateforme aux ambitions bien plus vastes.
Ça ne se produit qu’une fois tous les sept ans. Deux nouvelles consoles de jeux se lancent presque simultanément à l’assaut d’un secteur qui pèse 44 milliards de dollars dans le monde en 2013, d’après Gartner, un cabinet américain d’études de marché. En France, c’est Microsoft qui dégaine le premier avec sa Xbox One, vendredi 22 novembre, tandis que la PS4 de Sony (déjà disponible aux États-Unis) ne fera son apparition dans l’Hexagone que le 29 novembre.
Le constructeur américain a donc une semaine pour régner seul en maître des ventes des consoles “nouvelle génération” en France (si on ne prend pas en compte la Wii U de Nintendo déjà disponible depuis un an). Sa Xbox One prend la relève de la Xbox 360, qui s’est vendue, d’après Microsoft, à 76 millions d’exemplaires à travers le monde depuis son lancement en 2006. Soit un peu moins que la PS3 (80 millions d’unités écoulées), mais tout de même trois fois plus que la première Xbox sortie en 2001.
Tout en un ou joyeux fourre-tout ?
Pour Microsoft le défi est simple : faire encore mieux et, si possible, dépasser cette fois-ci la console de Sony. Pour y parvenir, la Xbox One joue sur tous les tableaux : du jeu vidéo, de la télévision, des films, de la musique, des appels vidéos sur grand écran (grâce à Skype qui appartient à Microsoft) et de l’Internet. Pour résumer tout ça, Microsoft parle “d’expérience tout en un”, comme l’explique à FRANCE 24 Olivier Barreteau, responsable Xbox Live pour Microsoft France. Les grincheux évoqueront plutôt, quant à eux, un joyeux fourre-tout.
Preuve que Microsoft veut contrôler tout ce qui se passe depuis le canapé : la Xbox One permet même de regarder la télé en direct. On peut, en effet, y raccorder directement les différentes “box” télé (Orange, Numéricable, Sfr) et passer d’un clin d’œil d’un jeu à la télévision en direct sans avoir à jongler avec ses télécommandes.
À l’image de cette plateforme à tout faire, l’interface d’utilisation de cette nouvelle console - que FRANCE 24 a pu voir en action - est, ainsi, plus chargée que celle de la PS4, très épurée et qui met davantage l’accent sur le jeu vidéo. Signe de sa volonté de séduire un public plus large que celui des joueurs, le menu de la Xbox One n’affiche même pas d’onglet “jeux vidéo” ! Il n’y a que trois choix : “épingles” (les applications favorites de l’utilisateur), “accueil” (un ensemble de raccourcis vers des fonctions comme la dernière chaîne de télé regardée, la liste d’amis ou encore vers les promotions du moment) et enfin le “marché” où on peut faire ses courses pour se divertir (films, musique ou jeux).
Kinect, l’atout gagnant ou le périphérique de trop ?
Pour une console qui mise autant sur le Kinect pour tout faire, le chiffre peut sembler extravagant. Pourtant, Microsoft a reconnu avoir dépensé la bagatelle de 100 millions de dollars pour aboutir à la version finale de la manette de jeu qui accompagne sa Xbox One.
Elle n’est pourtant pas tout en or et, au final, ne diffère pas fondamentalement de celle utilisée pour jouer sur la Xbox 360. Cette somme a, en fait, été dépensé essentiellement en recherche et développement pour mettre au point plus d’une centaine de prototypes. Le géant américain avait, ainsi, demandé à ses troupes de chercher les idées les plus originales possibles.
Parmi les projets les plus farfelues, les ingénieurs maison avait mis au point des gamepads qui diffusaient des odeurs particulières ou encore qui pouvaient projeter des images comme des hologrammes. Autant d’innovations qui n’ont pas finalement pas été reprises. Zulfi Alam, responsable des accessoires pour la Xbox One, a précisé, au site américain Venturebeat, que ce n’est pas le trop plein d’originalité qui a fait capoter ces prototypes mais le fait que les manettes n’étaient plus suffisament “érgonomiques” ou qu’elles consommaient trop d’énergie.
Outre l’interface qui risque d’en étonner plus d’un, l’utilisation même de la console va également dérouter ceux qui croient que la manette est le meilleur ami de la console. Que les accros du gamepad se rassurent, ils pourront toujours tout faire grâce à leur joujou favori. Mais pour Microsoft tout est, maintenant, une histoire de gestes et de mots. Grâce au capteur de mouvements et de voix Kinect, plus besoin ou presque d’appuyer sur des boutons. Pour naviguer dans l’interface et lancer les applications, il suffit de les désigner d’un geste ou bien de dire des commandes pré-établies comme “Xbox, allez à Internet”, “Xbox, lancez tel jeu”.
Reste que sur Xbox 360, où le Kinect était déjà présent, l’expérience était parfois aléatoire. Des commandes vocales mal comprises ou qui n’aboutissaient à rien pouvaient rendre l’utilisation de ce périphérique frustrante. Sur la nouvelle console, c’est mieux. Une liste de tous les ordres auxquels le Kinect obéira est, même, intégrée à l’interface.
Mais des couacs subsistent. Il faut parfois répéter, à plusieurs reprises, la même phrase, sur différents tons, avant que la machine daigne s’exécuter. “Il ne faut pas oublier que le capteur apprend au fur et à mesure à mieux comprendre”, prévient Olivier Barreteau. Il y a intérêt : le Kinect est l’argument essentiel de différenciation avec la PS4 et aussi ce qui justifie, aux yeux de Microsoft, les 100 euros de plus pour acheter une Xbox One par rapport à la console de Sony.
Le Kinect, qui est allumé en permanence par défaut, a même failli coûter très cher à Microsoft. Sa capacité à enregistrer les faits et gestes des joueurs l’avait transformée, aux yeux de certains, en “big brother”. Une image du plus mauvais effet à l’heure du scandale de l’espionnage de la NSA. Que deviennent, ainsi, les données captées ? “C’est du pur fantasme. Microsoft ne stocke aucune donnée par l’intermédiaire du Kinect”, assure Olivier Barreteau.
Et les joueurs dans tout ça ?
Même si l’”expérience” générale est conçue pour donner l’impression que le jeu n’est qu’une composante de l’aventure Xbox One, Microsoft a mis le paquet sur l’offre vidéoludique. Olivier Barreteau insiste, d’ailleurs, sur le fait que les joueurs demeurent le cœur de cible de la console. Affirmer le contraire serait, de toute façon, suicidaire au moment du lancement : les premiers acheteurs des nouvelles consoles seront les “gamers”.
La plupart des observateurs soulignent, à cet égard, la qualité des jeux proposés à la sortie. Certains considèrent l’offre même plus alléchante que sur PS4. Un comble quand on sait que le slogan de Sony pour sa nouvelle console est “for the gamers” (“pour les joueurs).
Il faut dire qu’il y en a pour tous les goûts sur Xbox One. Du jeu d’action à grand spectacle à l’époque romaine (Ryse : son of Rome), de la simulation sportive (Forza Motorsport), du jeu pour toute la famille (Zoo Tycoon, une simulation de… zoo) et un jeu de massacre pour amateurs d’hémoglobine (Dead Rising 3). Autant de jeux exclusifs qui, espère Microsoft, justifieront que les masses de “gamers” avides de sensation forte préfèrent la Xbox One à sa concurrente la PS4. Des joueurs qui, ensuite, prêcheront la bonne parole “xboxesque” à un public plus large susceptible d’être séduit par l’offre de divertissement global. Tel est, en tout cas, le pari de Microsoft. Les dés sont maintenant jetés… faites vos jeux.