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L'union des extrêmes droites européennes : le rêve impossible de Marine Le Pen

Marine Le Pen s'est rendue aux Pays-Bas, pour discuter avec le populiste Geert Wilders de la création d'un groupe politique au Parlement européen. Un projet difficile à concrétiser tant les droites nationalistes demeurent hétérogènes.

En quête d’alliances, en vue des élections européennes de mai 2014, Marine Le Pen s’est rendue, mercredi 13 novembre, aux Pays-Bas, afin de sceller un rapprochement avec le parti notoirement anti-islam de Geert Wilders (PVV). S’appuyant sur des sondages, annonçant une percée des partis populistes et anti-européens lors des prochaines élections, la présidente du Front national (FN) caresse l’idée de constituer, au sein du Parlement européen, un groupe politique rassemblant les droites nationalistes de différents États membres.

Faute d’appartenir à une chapelle, les trois députés frontistes - Jean-Marie Le Pen, Marine Le Pen et Bruno Gollnisch - siègent à l’heure actuelle parmi les non-inscrits et, de ce fait, ne bénéficient ni des moyens matériels et logistiques mis à la disposition des groupes [collaborateurs, secrétariat, bureaux, salles de réunion, budget communication, etc.], ni du pouvoir de déposer des amendements. "Cette tentative d’alliance est un coup de communication concilié à des obligations matérielles, commente à FRANCE 24 Gaël Brustier, chercheur au centre d’études politiques Cevipol, à Bruxelles. En allant à la quête d’un groupe européen, Marine Le Pen agit en cantinière, qui part faire ses courses."

Même si les partis d’extrême droite réalisent de bons scores aux européennes, la tâche s’annonce ardue pour la chef de file du FN. Le règlement européen stipule que, pour être constitué, un groupe doit comporter 25 députés issus d’au moins sept nationalités différentes. "La clause rédhibitoire, pour Marine Le Pen, sera celle de la diversité de provenance géographique, indique Jean-Yves Camus, politologue spécialiste de l’extrême droite, et chercheur à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris). Cela va la limiter, puisqu’elle a d’ores et déjà exclu de se rallier aux partis d’extrême droite des pays d’Europe de l’Est."

Parti en voie de dédiabolisation, le FN se refuse de siéger sous la même bannière que les ultra-nationalistes slovaques, roumains et bulgares, ainsi que les antisémites du Jobbik hongrois ou les néo-nazis d’Aube dorée, en Grèce. De fait, Marine Le Pen entend bâtir un groupe sur la base de l'Alliance européenne pour la liberté, une fédération de partis souverainistes, dont fait partie le FN aux côtés du FPÖ autrichien, du Vlaams Belang belge et des démocrates suédois.

"Un boulet aux pieds de Wilders"

Le séjour de la dirigeante frontiste à La Haye fut donc l'occasion de convaincre Geert Wilders de se rallier à son projet. L’accueil que lui a réservé, mercredi 13 novembre, le leader de l’extrême droite néerlandaise semble de bon augure pour Marine Le Pen. "C'est une politicienne très importante, elle pourrait être la prochaine présidente de la France", a-t-il commenté, alors qu’il lui faisait visiter le Parlement néerlandais.

Le Front national n’a pourtant pas toujours été en odeur de sainteté au sein du PVV de Geert Wilders, dont le discours s’inscrit dans une ligne libérale, notamment en ce qui concerne le mariage homosexuel. Anti-islam et pro-Israël, la principale formation politique de l’extrême droite néerlandaise ne goûte guère en effet aux fréquentes sorties antisémites de Jean-Marie Le Pen, le fondateur du parti nationaliste français.

"S’allier avec Wilder, considéré comme plus modéré, participe du processus de normalisation du FN. Aux Pays-Bas, en revanche, les observateurs s’interrogent sur la pertinence d’un tel rapprochement, explique Jean-Yves Camus. Beaucoup pensent qu’en s’associant avec Le Pen, il s’attache un boulet aux pieds." D’autres, en outre, s’interrogent sur la réelle volonté du PVV à rejoindre une alliance, qui compterait dans ses rangs, un parti homophobe tel que le Vlaams Belang belge.

Alliance plus technique qu’idéologique

Les atermoiements du PVV témoignent de la grande difficulté des partis souverainistes européens à se rassembler. "Il a toujours été difficile d’unifier une extrême droite, car le nationalisme ne pousse pas à l’entente, rappelle Gaël Brustier. Il existe une très grande diversité des droites extrêmes, qui ne sont pas compatibles les unes aux autres. Entre Geert Wilders et Aube dorée, il n’y a rien en commun." Et Jean-Yves Camus de confirmer : "en Europe, toutes les familles idéologiques sont représentées, des radicaux d’Aube dorée en Grèce aux eurosceptiques de l’Ukip, au Royaume-Uni. C’est une famille très hétérogène".

Un spectre des extrêmes sur lequel le FN peine à se situer clairement. "Grossièrement, il y a deux types d’extrême droite en Europe : l’une traditionnelle, homophobe et nationaliste, qui serait celle du Vlaam Belang en Belgique ; et l’autre moderne incarnée par le populiste néerlandais. Or, le parti de Marine Le Pen se situe entre les deux, affirme le chercheur du Cevipol. Un positionnement flou qui, toutefois, peut jouer à son avantage.  "Le FN a cette capacité d’agglomérer un large électorat."