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"Bruxelles vient de donner son feu vert à la culture de nouveaux OGM", déplore José Bové

Une semaine avant la reprise des négociations de libre-échange avec les États-Unis, Bruxelles a, mercredi, recommandé au Conseil des ministres européens d'autoriser la culture d'un nouveau maïs OGM. Les écologistes fulminent.

Le MON810 était jusqu’à présent le seul maïs génétiquement modifié dont la culture était autorisée par la Commission européenne. Le TC1507, de Pioneer, la filiale du groupe américain DuPont de Nemour, pourrait d’ici peu le côtoyer dans les champs des pays d’Europe.

"La Commission européenne vient tout bonnement de donner son feu vert pour autoriser de nouveaux OGM à la culture", commente José Bové, vice-président de la Commission de l’Agriculture et du Développement au Parlement européen, et précurseur de la lutte anti-OGM en France, interrogé par FRANCE 24.

En réalité, le cheminement de l’autorisation de la culture des TC1507 est un peu plus tortueux. Mercredi 6 novembre, Bruxelles, appliquant une décision de la Cour de justice de l’Union européenne (UE), a recommandé au Conseil des ministres de l’Union européenne d’autoriser la culture de cet OGM. En cas de désaccord entre les États membres – un scénario fort probable tant la question divise les Européens –, l’épineux dossier sera récupéré par la Commission européenne, qui sera alors dans l’obligation d’autoriser cette culture.

Les écologistes tirent la sonnette d’alarme

Une perspective qui horrifie les écologistes et les anti-OGM. Le TC1507, un maïs qui contient à la fois des herbicides et des pesticides, serait, selon les organisations de défense de l’environnement, extrêmement néfaste notamment à cause de son principe actif : le glufosinate d’ammonium. Ce composé chimique est considéré comme toxique pour la reproduction et le développement des fœtus, et a été banni, sous forme d’herbicide à épandre, par plusieurs gouvernements européens.

Le TC1507 a pourtant reçu l’aval de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) "à six reprises depuis 2005", rappelle la Commission européenne dans un communiqué. Pioneer, contacté par FRANCE 24, renchérit en assurant avoir "r eçu sept avis positifs de l'Efsa", et affirme que son maïs TC1507 est "largement cultivé et approuvé tout autour du monde".

L’Efsa, l’organisme européen de sécurité des aliments destinés aux hommes et aux animaux, créé en 2002 au lendemain de la crise de la vache folle, est unanimement décrié par les défenseurs de l’environnement qui dénoncent des conflits d’intérêts flagrants en son sein. Sa présidente pendant quatre ans (2008 – 2012), Diana Banati, a, parallèlement à cette fonction, siégé au conseil de direction de la branche européenne de l’Ilsi, International Life Sciences Institute, regroupant les principaux industriels de la pharmacie, de la chimie, de l'agroalimentaire et de la cosmétique (notamment PepsiCo, Monsanto, Unilever, BASF, Bayer, Nestlé, etc.). Un organisme que les ONG considèrent comme un puissant lobby très soucieux de préserver les intérêts de ses membres. Ce conflit d’intérêt avait été révélé par José Bové en 2010, ce qui n’avait pas empêché Diana Banati de continuer à siéger pendant deux ans sans que les instances européennes ne s’en émeuvent.

Outre le peu de fiabilité qu’il accorde à l’Efsa, José Bové assure par ailleurs que la firme agrochimique Pioneer n’a jamais fourni d'étude supplémentaire sur d’éventuelles retombées négatives pour l’environnement de son OGM, réclamées dès 2008 par le Conseil des ministres européens de l’Environnement. "La société Pioneer […] est en faute. La Commission européenne aurait dû purement et simplement interdire le TC1507", assure-t-il. Pioneer, de son côté, réfute ces accusations et jure avoir fourni tous les documents réclamés par les instances européennes.

12 ans d’attente

Le géant américain des semences génétiquement modifiées a déposé en 2001 sa demande d’autorisation de culture du TC1507. Il attend depuis 12 ans qu’une décision soit prise. Face aux levées de boucliers un peu partout en Europe sur la question des OGM, la Commission européenne avait relégué ce dossier sensible dans les plus obscurs recoins de ses bureaux bruxellois. À bout de patience, Pioneer a fini par saisir la Cour de justice européenne. Le couperet est tombé le 26 septembre : la Cour a estimé que Bruxelles contrevenait à son obligation de prendre une décision et de donner une réponse claire à la requête qui lui a été soumise.

À ce stade, estime José Bové, la Commission européenne avait le choix entre interdire ce maïs transgénique sur son territoire et relancer le processus d’autorisation de sa culture. Tout ce que lui demandait la Justice européenne, c’était de trancher. Bruxelles a choisi la seconde option en raison, selon le député européen, d’un calendrier très précis. La mise en demeure de la justice est en effet tombée à point nommé pour les autorités européennes : l’UE vient d’entamer de difficiles négociations de libre-échange avec les États-Unis, qui, après avoir été interrompues par la crise budgétaire américaine, doivent reprendre le 11 novembre prochain. Des discussions qui achoppent, entre autre, sur le commerce agroalimentaire. "Comme par hasard, la Commission européenne décide de relancer le processus d’autorisation de la culture juste avant la reprise des négociations", ironise José Bové.

Poulet à l’eau de javel et bœuf à l’acide lactique

En début d’année, l’UE, en gage de bonne volonté, a suspendu l’interdiction de l’importation de porcs vivants (jusqu’alors bannis en raison de l’épidémie de grippe porcine) et de viande de bœuf désinfectée à l’acide lactique. Les États-Unis ont salué ces efforts mais ont réclamé de nouvelles concessions, notamment sur l’assouplissement des restrictions européennes sur les OGM et sur le poulet lavé à l’eau de javel.

À moins d’un accord entre les ministres européens sur une interdiction du TC1507, fort peu probable, Bruxelles devrait donc parvenir à satisfaire les exigences formulées outre-Atlantique. "Un très mauvais signal, fustige José Bové, envoyé aux Européens majoritairement opposés aux OGM, par une Commission européenne en fin de course [des élections sont prévues en mai 2014, NDLR]". Un signal d’autant plus marqué que Bruxelles, a, dans la foulée, autorisé l’importation et la commercialisation de deux nouvelles combinaisons de maïs OGM et la vente de pollen pour le miel dans lequel pourrait se trouver des traces de maïs MON810.