Invité dimanche soir de "Tous politiques", Robert Badinter, ex-ministre de la Justice et ancien président du Conseil constitutionnel, revient sur la "tragédie" de l'immigration clandestine, le droit du sol et l'affaire Leonarda.
"Je ne suis pas surpris mais je suis déçu". La déception exprimée par l’ancien garde des Sceaux Robert Badinter est celle que lui inspire la mondialisation de l’indifférence face à la délicate question de l’immigration clandestine. Invité dimanche soir de "Tous Politiques", une émission de FRANCE 24, France Inter, Le Parisien-Aujourd’hui en France, il est revenu sur les drames de Lampedusa, île italienne au large de laquelle des centaines d’immigrants ont péri en tentant de rallier l'Europe sur des embarcations de fortune.
"C'est une grande tragédie de notre époque [...] Les morts se chiffrent par milliers dans l'année et je crains que cela ne soit pas près de s'arrêter", redoute Robert Badinter.
"L'émotion a été grande, si longtemps que les images ont été présentes sur les écrans. Comme toujours, ensuite, ça s'efface. Il y a là quelque chose qui est insupportable", a ajouté celui qui se définit comme un "Européen intégriste", estimant que les réponses ne peuvent se trouver que dans la
concertation européenne.
La peur, fonds de commerce des extrémismes
En période de crise, ce fils de déporté note cependant que l’indifférence aux autres est moins à craindre que la peur : "La peur est partout dans une période de crise économique. Elle ronge notre société."
"Quand vous regardez la tragique histoire de l’Europe au siècle dernier, vous retrouvez les mêmes reflexes nationalistes. On a refoulé les Européens de l’Est, on a refoulé les juifs qui tentaient de fuir l’Allemagne nazie...", rappelle-t-il avant de souligner que la peur fait le lit de la xénophobie, le terreau des extrêmes, le pain béni des partis nationalistes.
" Le Front national [FN]est vendeur d’un produit qui n’a jamais cessé de prospérer : la peur" explique Robert Badinter qui appelle à la vigilance : "Cela va inévitablement nous faire glisser vers des régimes que nous avons déjà connus." Et à Jean-François Copé, président de l'UMP, ou ceux qui seraient tenter d’aller chasser sur les terres du FN à des fins électoralistes, il rappelle que "la réponse au FN n’est pas d’aller dans sa direction".
Leonarda, "une affaire qui n’existe pas"
Interrogé sur l’
affaire Leonarda, l’ancien président du Conseil constitutionnel et avocat de formation se dit "stupéfié de voir l’émotion de la classe politique […] et des médias déchaînés à propos d’une affaire qui n’existe pas". S’il déplore les conditions d’arrestation de la jeune fille, ce fervent défenseur du droit du sol et du droit d’asile ramène le débat à sa réalité juridique, rappelant que "la loi a été mise en œuvre", sans irrégularité.
"Le père et la famille ont eu le bénéfice de tout l’État de droit. À partir de là, la loi doit être appliquée sinon l’État de droit vire à l’État de faiblesse", explique-t-il en saluant la
réaction du président François Hollande, qui a proposé à la jeune fille de revenir en France, mais seule : "On ne va pas ramener cette famille, et surtout ce père, en France parce qu’il y a eu une action déplacée au moment de l’arrestation de la jeune fille."