Le démarrage du "dialogue national" censé sortir la Tunisie de la crise politique a été reporté à vendredi, l'engagement du Premier ministre islamiste sur "le principe" d'une démission du gouvernement étant jugé "ambigu" par l'opposition.
Mercredi 22 octobre, des milliers de Tunisiens ont défilé dans les rue de Tunis pour réclamer le départ du Premier ministre islamiste Ali Larayedh - condition sine qua non pour l'opposition au démarrage du "dialogue national" censé sortir le pays de la crise. Mais ce départ, promis par le chef du gouvernement en personne, tarde.
Les opposants s'attendaient à ce qu’Ali Larayedh annonce clairement hier son départ pour la mi-novembre. Celui-ci s’est finalement contenté d’annoncer, avec cinq heures de retard, "son engagement à renoncer au gouvernement". Oui, mais quand ? "Nous ne nous soumettrons à personne", a-t-il prévenu, en prônant "l'intérêt de la patrie".
La feuille de route prévoit pourtant qu'un nouveau Premier ministre indépendant soit désigné par l'ensemble de la classe politique une semaine après le début du "dialogue national" et qu'un cabinet de technocrates soit formé dans les deux semaines qui suivent.
Maintenir la pression sur le parti islamiste
Or, les déclarations du Premier ministre ont mis un frein à cette perspective. "Nous allons mener plus de concertations avec le Premier ministre pour avoir plus d'éclaircissements sur son discours. Nous avons convenu que le dialogue national commencera vendredi à 10 heures", a déclaré mercredi Houcine Abassi, secrétaire général du syndicat UGTT, principal médiateur de la crise politique après une réunion avec les différents acteurs politiques.
"La déclaration du chef du gouvernement était ambiguë (...) nous ne pouvons entrer dans le dialogue national", a estimé de son côté Jilani Hammami, représentant du Parti des travailleurs.
Jusqu’à présent, Ali Larayedh a toujours refusé de quitter ses fonctions avant que la nouvelle Constitution - dont l’élaboration a commencé en 2011 - ne voit le jour. Problème : la feuille de route prévoit dans le même temps que la rédaction de la Loi fondamentale ne se poursuive qu’après le départ du Premier ministre…. Dans la soirée, les manifestants anti-Ennahda étaient encore quelques dizaines place de la Kasbah, où siège le gouvernement, pour maintenir la pression sur le parti islamiste. Certains ont même dressé des tentes pour y passer la nuit. Un important dispositif policier a été déployé.
Affrontements avec des "terroristes"
Sur le front sécuritaire, la situation s’est également dégradée. Au moins six gendarmes et un combattant armé ont été tués dans des affrontements avec un groupe "terroriste" dans la région de Sidi Bouzid (centre-ouest), a déclaré Ali Larayedh, précisant que les forces tunisiennes "pourchassaient" les autres assaillants. Un deuil national de trois jours a été décrété et l'UGTT a appelé à une grève générale jeudi dans la région de Sidi Bouzid.
Les nouveaux combats risquent cependant de compliquer encore la position des islamistes d'Ennahda et de leurs alliés, accusés par l'opposition d'avoir fait preuve de laxisme vis-à-vis de la mouvance djihadiste à qui a été attribué les assassinats du député Mohamed Brahmi en juillet et de l'opposant Chokri Belaïd en février.
La semaine dernière déjà, deux gendarmes avaient été tués dans la région de Béja, à 70 kilomètres de Tunis. Si les autorités ont ensuite annoncé la mort de neuf "terroristes" dans une opération militaire, ces combats ont également déclenché une fronde au sein des forces de l'ordre. Des dizaines de militants de syndicats de policiers avaient chassé le président et le Premier ministre d'une cérémonie à la mémoire des gendarmes tués.
Avec dépêches