
La Russie s'est déclarée choquée après l'installation à Gdansk, en Pologne, d'une statue représentant une femme violée par un soldat soviétique. L'auteur de cette œuvre s'est justifié en affirmant qu'il voulait montrer les horreurs de la guerre.
D’une main un soldat soviétique tient fermement la tête d’une femme enceinte, de l’autre il lui enfonce le canon de son pistolet dans la bouche. Cette sculpture grandeur nature montre crûment une scène de viol. Intitulée "Komm Frau" [Viens ici femme], cette œuvre a été installée illégalement dans la nuit de samedi à dimanche par un jeune artiste polonais sur une avenue de Gdansk, en Pologne, non loin d’un monument dédié à l’Armée rouge qui avait chassé les nazis de cette ville, majoritairement allemande, en 1945.
Même si elle a été retirée au bout de quelques heures par la police, cette statue a rapidement provoqué la colère de Moscou. Sur le site officiel de l’ambassade russe en Pologne, les autorités ont jugé cette sculpture vulgaire et ouvertement blasphématoire.
"Je suis profondément choqué par cette incartade de l’étudiant des Beaux-Arts de Gdansk qui a insulté avec son pseudo-art la mémoire de plus de 600 000 soldats soviétiques, morts pour la liberté et l’indépendance de la Pologne", a ainsi commenté, dans un communiqué, Alexandre Alekseev, ambassadeur de Russie à Varsovie.
"Un message de paix"
Pour sa défense, l’auteur de "Komm Frau", Jerzy Bohdan Szumczyk, a expliqué qu’il avait ressenti le besoin de faire cette sculpture, après avoir fait de longues recherches sur les viols commis par l’Armée rouge en Europe de l’Est de 1944 à 1945. "C’est une expression de mes opinions pacifistes, dirigées contre la guerre. C’est un message de paix. J’ai voulu montrer la tragédie des femmes et les horreurs de la guerre", a déclaré à l'AFP le jeune homme, qui a été arrêté brièvement par la police polonaise, et qui pourrait être poursuivi "pour incitation à la haine raciale ou nationale".
Dans ce pays envahi par les Allemands en 1939, puis par les Soviétiques à la fin de la guerre, les violences perpétrées par les soldats sont encore un sujet très sensible. Selon les historiens, les membres de l’Armée rouge ont commis des viols de masse lors de leur avancée vers Berlin. À Gdansk, ce sont principalement des femmes allemandes, ainsi que des prisonnières déportées polonaises ou russes, qui en ont été victimes. Mais comme le rappelle l’agence de presse russe Rio Novosti, les autorités moscovites "n’ont jamais reconnu officiellement ces viols de masse". En ex-URSS, le rôle de libérateur des soldats soviétiques reste une question de fierté nationale.
Depuis 70 ans, la Russie et la Pologne s’affrontent ainsi régulièrement autour de la mémoire de la Seconde guerre mondiale. Même si Moscou a officiellement reconnu, en 2010, la responsabilité de Staline dans le massacre de 22 000 officiers polonais à Katyn, cet épisode est l’un des nombreux points de discorde entre les deux pays. La Pologne demande toujours à la Russie une enquête plus approfondie sur ce crime de guerre.