La première mosquée de Polynésie a ouvert ses portes à Tahiti, le 15 octobre, sur l'initiative d’un imam, tout juste débarqué de la banlieue parisienne. L’accueil du projet des habitants, à majorité chrétienne, est glacial, voire islamophobe.
C’est en plein coeur de Papeete, à quelques mètres du front de mer paradisiaque, que la toute première mosquée de Tahiti, en Polynésie française, a été inaugurée, mardi 15 octobre, à l’occasion de l’Aïd al-Kébir, la plus importante célébration religieuse de l’Islam. Une quarantaine de fidèles a fait le déplacement pour ce premier célébration.
Nichés au premier étage d’un bâtiment, les locaux sont discrets. À peine une soixantaine de mètres-carrés aménagés de manière minimaliste. À l’origine de l’initiative, un Français de métropole Hishan el-Barkani, étudiant de 23 ans, débarqué à Tahiti il y a tout juste un mois. L’idée de quitter sa banlieue, la Seine-Saint-Denis, lui est venue “comme cela”. "Je me suis dit que je voulais aller à l’autre bout du monde, et je me suis retrouvé à Tahiti", explique-t-il très simplement au site Tahiti-Infos qui l’a interrogé.
Entre 300 et 500 musulmans
Rapidement, il fait enregistrer, en toute légalité, “le Centre islamique de Tahiti” sous le statut d’association "loi 1901". Livres, documentation théologique, et nombreux dons de la communauté… Tout se met en place, sans heurt. Pour Hishan El-Barkani, il s’agit d’offrir aux musulmans de Polynésie un lieu de partage. Ces derniers seraient entre 300 et 500, selon des estimations rapportées par le jeune imam. “Je pense qu’il y en a plus. Jusqu’à présent il n’y avait aucun lieu de rassemblement, chacun pratiquait de son côté. Ce lieu de culte nous permettra de tous les rassembler et d’avoir une estimation plus précise”, explique-t-il.
Mais dans cette collectivité d'outre-mer à forte tradition chrétienne, la pilule passe mal pour beaucoup. Pétitions, groupes anti-mosquée, milliers de commentaires acerbes sur les réseaux sociaux.. L’accueil réservé au “Centre islamique de Tahiti” est plus que mitigé. L’affaire prend de telles proportions que le site Tahiti-Infos, le premier à relayer l’information, a été contraint, pour la première fois, de fermer ses pages de commentaires sur les articles traitant du sujet. “Je suis d’accord pour la liberté de religion, mais certainement pas celle de l’islam !”, pouvait-on lire, parmi la déferlante de commentaires, qui rivalisent d’idées reçues et de raccourcis souvent racistes. “Sa barbe [celle de l’imam] ne va pas faire long feu ici !”, menace un autre.
La mairie de Papeete a indiqué, de son côté, n'avoir pas reçu de demande pour transformer des bureaux en lieu de culte pouvant recevoir du public, et a jugé que la mosquée n'avait donc “pas d'autorisation pour ouvrir”.
“Ne pas tomber dans l’islamophobie”
À l’inverse, la présidence de la Polynésie française a estimé qu'il n'était “pas nécessaire d'obtenir une autorisation particulière.” Pour tenter d’apaiser les esprits, un communiqué a été publié le 15 octobre rappelant que “la République garantit la liberté du culte et la liberté de conscience sur tout le territoire national. Ce principe essentiel de nos libertés fondamentales est inscrit dans la Constitution française, et est naturellement valable en Polynésie française. Dans notre pays cohabitent parfaitement de nombreux cultes.” Et d’ajouter “bien que terre traditionnellement chrétienne, la Polynésie est aussi une terre accueillante, et il ne faut pas tomber dans l’islamophobie.”
Hishan El-Barkani, qui se dit de confession sunnite, a tenté, quant à lui, de rassurer la population locale. "Le sunnisme est le courant majoritaire dans l’islam. Il correspond à plus de 90 % des musulmans dans le monde, et s’oppose au Chiisme. (…) Je l’ai dit, et je le répète, je combats toute forme de terrorisme et de sectarisme".
Mais les détracteurs de l’initiative ne comptent pas en rester là. Parmi eux, l'un des principaux partis d'opposition, A Ti'aPorinetia, a demandé que toute la lumière soit faite sur le financement de la mosquée, qui a vu le jour, selon Hishan El-Barkani, grâce à la générosité des musulmans de Polynésie.
Avec dépêches