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Des professeurs proches du Front national ont lancé, le 12 octobre, le Collectif Racine en présence de Marine Le Pen. FRANCE 24 s’est entretenu avec Alain Avello, le co-fondateur du mouvement.
Chaque semaine, il assure monter un peu plus en popularité, être à l'aube d'une vague "Bleue Marine". Mais pour transformer l’essai dans les urnes en 2014, le Front national a besoin d’électeurs, y compris ceux traditionnellement acquis à la gauche comme les enseignants. À la présidentielle de 2012, seuls 5 % d’entre eux avaient voté pour Marine Le Pen qui sait pertinemment que ce corps de métier, longtemps méprisé par le FN, représente un vivier de plus d’un million d’électeurs.
Quand Jean-Marie Le Pen les taxait de “crassouillards” et de "fumeurs de shit aux savates éculées", Marine, elle, multiplie depuis trois ans les tentatives - jusqu’à présent avortées - de rapprochement avec les professeurs. D’abord en 2010 via une lettre ouverte aux "enseignants et aux parents d'élèves" passée alors inaperçue. Puis en 2011, avec une sortie qui retomba comme un soufflet : "Longtemps, nous avons commis l'erreur de penser que vous étiez complices ou passifs face à la destruction de l'école", avait-elle lancé lors d’un colloque. Plus récemment, en septembre 2013, elle réagit personnellement au suicide d’un professeur marseillais en promettant, dans un communiqué, de replacer "la transmission des savoirs et des valeurs, le retour de l'autorité du maître, la revalorisation du métier d'enseignant, la sécurité, l'assimilation républicaine [...] au cœur d'une politique de l'Éducation nationale." Mais la mayonnaise ne prend toujours pas.
Avec le Collectif Racine, lancé le 12 octobre en présence de Marine Le Pen, le FN semble cette fois-ci prendre le problème à l’envers : l’impulsion vient des citoyens eux-mêmes, pas d’un parti qui, il y a encore trois ans, ne voulait pas entendre parler de “la racaille enseignante”. Racine compte, selon ses propres chiffres, une centaine d’adhérents, des professeurs proches du parti d'extrême droite. Parmi eux, Alain Avello, 42 ans, professeur de philosophie et co-fondateur du mouvement. Pour FRANCE 24, il revient sur le lancement du collectif et son engagement frontiste.
Comment le collectif est-il né ? Est-ce un outil du FN pour draguer les enseignants ?
Alain Avello : Il ne s’agit en aucun cas d’un outil. Le Front national n’a pas sciemment décidé d’ouvrir une structure à visée électoraliste. À l’origine du projet, il ne s’agit que de deux amis professeurs de philosophie, Yannick Jaffré et moi-même, qui ont suivi le même parcours : nous venons tous les deux du “chevènementisme” et avons subi l’affaissement de la gauche petit à petit.
Pour ma part, après neuf années de flottement politique, je me suis reconnu dans le rassemblement Bleu Marine. Je n’étais pas d’accord avec la vision de l’Éducation nationale de Jean-Marie Le Pen, mais quand Marine est arrivée, j’ai découvert une ligne républicaine similaire à celle de Jean-Pierre Chevènement, une sorte de continuité. J’ai donc adhéré au Front national en 2011. Yannick Jaffré, pour sa part, n’est pas encarté.
En 2012 lors de la campagne présidentielle, certains d'entre nous, grâce à notre expérience de terrain, ont eu l'occasion d'aider à enrichir le programme de Marine Le Pen sur les questions d’éducation. À partir de là, le collectif s'est progressivement formé jusqu'à son aboutissement au printemps dernier. Période à laquelle nous avons commencé à constituer le noyau dur qui a co-signé “l’appel pour le redressement de l’école” publié dans les colonnes du “Figaro” du 2 mai.
Qui est votre adhérent type ?
A. V. : On ne peut pas réellement dresser un portrait-robot de l’adhérent. Nous avons tous les profils d’enseignants : écoles, collèges, lycées, facs, en zones rurales ou urbaines. Et contrairement à ce qu’ont laissé entendre beaucoup de médias, nos adhérents n’enseignent pas majoritairement en ZEP (zone d'éducation prioritaire) ou en zones sensibles. Ce n’est pas la violence scolaire qui les pousse à nous rejoindre.
Vos élèves et vos collègues connaissent-ils vos tendances politiques ?
A. V. : Il est évident que nous sommes attachés au principe de neutralité politique dans les classes et que les discours orientés n’ont pas leur place devant nos élèves. Mais vu la couverture médiatique dont nous bénéficions depuis le début du mois d’octobre, tout le monde autour de nous est au courant de notre engagement…
Cette situation est particulièrement compliquée dans mon rapport aux collègues. Il y a une telle pesanteur idéologique dans notre corps de métier que bien souvent ils ne comprennent pas. Beaucoup ne m’adressent d’ailleurs plus la parole. Mais je l’avais anticipé et je l’assume totalement.
Les élèves, eux, sont très certainement au courant mais rien n’a changé pour moi dans la salle de classe. D’abord parce que mon engagement ne transparaît absolument pas dans mes cours, et ensuite parce que mes élèves actuels sont, semble-t-il, d’une génération qui vient après la période de diabolisation que le FN a connu.
Il y a eu une umportante couverture médiatique ce week-end pour le lancement officiel du collectif, cela vous a-t-il apporté de nouveaux adhérents ?
A. V. : Début octobre, lorsque nous avons lancé les invitations pour le lancement officiel, nous étions 40 membres. Nous sommes désormais une centaine et depuis ce week-end, ça n’arrête pas! Je n’ai pas encore déblayé ma boîte e-mail mais je peux dire que plusieurs dizaines de nouveaux adhérents nous ont rejoint.
Nous n’avons pas forcément d’objectifs chiffrés quant au nombre d’adhérents mais nous comptons, dans un avenir proche, aller à leur rencontre en organisant des réunions publiques dans les départements. Et à terme, nous espérons pouvoir ouvrir des sections locales où se trouvent les poches d’adhérents.
Qu'est-ce qui pourrait convaincre le corps enseignant de voter FN aux prochaines élections ?
A. V. : Les pesanteurs idéologiques sont en train de tomber. Dans le milieu enseignant, qui est très refermé sur lui-même, ces barrières tombent aussi. Elles tombent juste moins vite qu’ailleurs. Lorsqu’il sera reconnu que le FN est un parti comme les autres, ce qui est en train de se faire, il sera plus aisé d’atteindre le corps enseignant qui, il est vrai, représente une terre de conquête. Il ne s’agit en aucun cas de faire du prosélytisme sur le lieu d’exercice mais de compter sur les réseaux sociaux, les événements que nous organisons et bien sûr les médias. Je suis confiant, le mouvement va se répandre.