La réélection triomphale du président Abdelaziz Bouteflika avec plus de 90 % des voix et près de 75 % de participation fait grincer des dents une partie de l'opposition, qui dénonce des fraudes massives.
REUTERS - Les Algériens ont plébiscité Abdelaziz Bouteflika en le reconduisant pour un troisième quinquennat avec plus de 90% des voix lors d'une élection présidentielle sans surprise marquée par un taux de participation inattendu des trois quarts des électeurs inscrits.
"Les élections ont eu lieu malgré certains incidents et des efforts pour les perturber. C'est une victoire pour la nation algérienne sur la voie de la démocratie", a estimé le ministre de l'Intérieur, Noureddine Yazid Zerhouni, en annonçant vendredi les résultats du scrutin de la veille.
Une partie de l'opposition a dénoncé des fraudes massives mais Zerhouni, un proche du président, a déclaré que, "même si on devait concéder qu'il y a eu quelques irrégularités, elles n'auraient pas d'effets significatifs sur les résultats".
La réélection de Bouteflika, sans adversaire à sa mesure, était acquise d'avance, la seule inconnue étant le taux de participation, qui atteint officiellement 74,11% malgré les consignes d'abstention de l'opposition - contre 58% il y a cinq ans et 60% en 1999.
Le Front des forces socialistes (FFS) a accusé les autorités d'avoir gonflé artificiellement le chiffre de la participation. "C'est un véritable tsunami de fraude massive qui a atteint une échelle industrielle", affirme le parti d'opposition dans un communiqué.
Par ailleurs, le journal El Watan fait état, sur son site internet, de manifestations et de heurts avec la police en Kabylie où des routes ont été bloquées à l'aide de pneus en feu. Deux policiers avaient été blessés la veille dans un attentat à la bombe contre un bureau de vote dans cette région.
El Wartan publie en première page une caricature montrant Bouteflika coiffé d'une couronne.
Nicolas Sarkozy a adressé "ses chaleureuses et amicales félicitations" au président algérien. Le porte-parole du Département d'Etat, Richard Aker, a reconnu que les Etats-Unis étaient préoccupés par les accusations de fraude mais a souligné que Washington était disposé à travailler avec Bouteflika.
Le professeur de sciences politiques algérois Mohamed Lagab se dit surpris de la participation élevée, notamment en province, mais il en déduit le peu d'influence des consignes d'abstention lancées par les partis d'opposition.
Le plus proche des cinq adversaires du président sortant, la candidate trotskiste Louisa Hanoune, a remporté 4,22% des suffrages.
SOUTIEN DE L'APPAREIL DE SECURITE
La reconduction d'Abdelaziz Bouteflika, dont l'état de santé à 72 ans fait l'objet régulièrement de spéculations dans les médias, a été rendue possible par une opportune réforme constitutionnelle qui a supprimé en novembre la limitation à deux des quinquennats présidentiels.
Les détracteurs de Bouteflika, qui domine la vie politique de son pays depuis l'indépendance en 1962, à l'exception d'une
traversée du désert dans les années 1980, le soupçonnent de vouloir être président à vie.
Le résultat de l'élection prouve que Bouteflika continue à jouir du soutien de l'armée et du puissant appareil de sécurité, malgré sa politique d'amnistie qui a bénéficié à des milliers d'anciens insurgés islamistes.
Les islamistes encore actifs, dont Bouteflika est crédité d'avoir réduit la menace après l'insurrection sanglante des années 1990, avaient eux aussi appelé au boycottage des urnes.
A une population désabusée par les promesses politiques non tenues, le chômage, le coût de la vie, les problèmes de logement et les difficultés de transport persistants, Abdelaziz Bouteflika avait 'promis le Pérou' s'il était réélu.
Il s'est en effet engagé à dépenser 150 milliards de dollars dans des projets de développement et de créer trois millions d'emplois, alors que le taux de chômage atteint le taux de 70% parmi les moins de 30 ans.
La faculté de Bouteflika de conserver sa légitimité aux yeux des 34 millions d'Algériens était surveillée de près en Europe, entre autres parce qu'Alger fournit 20% des approvisionnements en gaz de l'Union européenne.
L'UE redoute de plus une nouvelle vague, plus importante encore, de "harragas", ces jeunes Algériens désespérés qui prennent tous les risques pour traverser la Méditerranée en quête d'un improbable Eldorado.