
À Alep, rebelles et forces du régime s'affrontent inlassablement depuis plus d’un an. Nos reporters ont réussi à se rendre dans la grande métropole du nord de la Syrie pour rencontrer les combattants de l’Armée syrienne libre.
Dans la petite ville de Kilis, à la frontière turco-syrienne, nous avons attendu pendant plusieurs jours le moment opportun et surtout le feu vert de nos fixeurs pour passer "en face". Un matin à l’aube, le signal est donné.
La frontière est poreuse. À notre grand étonnement, elle est plutôt facile à traverser. Nous croisons d’autres journalistes, des civils, des combattants étrangers qui rejoignent le djihad dans l’enfer syrien…
De l’autre côté, nos "hôtes" sont quatre à nous attendre, tous lourdement armés, autour d’une vielle BMW noire cabossée. Un drapeau de l’Armée syrienne libre (ASL) flotte au dessus du capot… Quelle discrétion !
Le trajet jusqu’à Alep ne prend pas plus d’une heure, mais toute la zone, a priori passée sous contrôle de l’ASL, reste dangereuse. Embuscades ou check-points sauvages des forces de Bachar al-Assad sont monnaie courante. Le pire, nous explique le chauffeur, roulant fenêtre ouverte et musique à plein volume, ce sont les attaques d’hélicoptères. "Mais ne vous inquiétez pas, je les entends toujours arriver de loin". Nous demeurons sceptiques… Il nous explique qu’à son signal, il faudra tout abandonner dans la voiture et se jeter dans le talus le plus proche… Bienvenue en Syrie !
Drôle de guerre
Arrivés à Alep, je découvre une ville comme découpée en plusieurs morceaux. Chaque groupe occupe un quartier : les rebelles combattant les forces du régime, les Kurdes, les islamistes, les combattants étrangers, les sunnites natifs de la ville…
Dans certains endroits, la vie a repris son cours. On y voit des marchés remplis de victuailles et des enfants jouer au foot, alors qu’à deux kilomètres d’ici, la guerre bat son plein.
C’est dans la vieille ville, qui n’est plus qu’un tas de gravats, au cœur du vieux souk jadis classé par l’Unesco, que nous avons rencontré Abdul Maleck. Ce sunnite de 29 ans, natif du quartier, est à la tête d’une trentaine de combattants. Il nous livrera ses petits secrets dans cette drôle de guerre au cœur d’Alep.
Abdul nous assure notamment qu’une partie de la rébellion achète ses munitions à l’armée de Bachar ! Une information difficile à vérifier…
Le jeune rebelle nous emmène chez un des acteurs du trafic. Les négociations pour recueillir son témoignage durent des heures. Dans la pièce d’à côté, nous attendons avec mon fixeur, sous l’œil intrigué d’un colosse armé, qui répète en boucle à un perroquet dans sa cage "Fuck Assad, fuck Assad" avec l’espoir que l’oiseau retiendra la leçon du jour. En vain.
Le vendeur d’armes, lui, finit par accepter de nous livrer son témoignage. Il nous emmène même dans une fabrique d'armes artisanales, une ancienne forgerie dans les faubourgs de la ville où des petites mains confectionnent à la chaîne roquettes, mortiers et grenades pour équiper les rangs de la rébellion.