
Le projet de loi sanctionnant le téléchargement illégal sur Internet, qui était passé sans problème mardi en Commission mixte paritaire, a été rejeté contre toute attente, ce jeudi, par l’Assemblée nationale.
Les députés de la majorité, en sous effectif, se sont fait surprendre, jeudi à la dernière minute, par l’arrivée d’une délégation d’élus de gauche, juste avant un vote à main levée qui aurait dû relever d'une simple formalité.
"C'est une défaite politique sur un texte sur lequel il [le président Sarkozy] s'était engagé personnellement", s’est félicité M. Bloche, député socialiste de Paris, à l’issue du vote à main levé remporté 21 voix contre 15 par l’opposition.
La disposition centrale de ce texte, voulu par Nicolas Sarkozy, qui prévoit de sanctionner les pirates récidivistes d'une coupure de leur accès à Internet, est à l’origine d’une levée de boucliers de tout bord qui dure depuis plusieurs semaines.
Mardi soir, sous la pression du Sénat, les parlementaires avaient durci le texte en réintroduisant une disposition supprimée par l'Assemblée : le paiement de l'abonnement même en cas de coupure, ce qui avait été dénoncé comme une "double peine" par ses adversaires.
"Jamais les internautes n'accepteront de payer pour un service suspendu", avait déclaré jeudi matin Jean Dionis du Séjour, député du Nouveau Centre, précisant au passage qu’il voterait contre.
Coup de théâtre dans l'hémicycle
"C’est d’abord notre problème et notre responsabilité", a reconnu le président du groupe UMP Jean-François Copé à l’issu du vote. "On n’avait qu’à être beaucoup plus nombreux ", a-t-il ajouté.
Pour orchestrer ce coup de théâtre, les députés de l’opposition, qui dénoncent un "passage en force" du gouvernement, avaient minutieusement préparé leur stratégie.
"On savait dès mardi qu'il y avait un coup à jouer, car une partie de la droite ne voulait pas de ce texte. C'est pour cela qu'on n'a pas demandé de vote solennel, en se disant que l'on pouvait endormir tout le monde avec le vote à main levée", s’est félicité un proche du patron des députés socialistes, Jean-Marc Ayrault.
Mobilisés par SMS, une dizaine de députés socialistes ont convergé vers l’Assemblée et ont attendu, à l’abri des regards, avant de pénétrer dans l’hémicycle à quelques instants du vote.
Le dernier cas de ce genre remonte à 1983.
Stupeur des pro-Hadopi, Albanel décidée à se battre
La Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem) s’est indignée de ce rejet, qu’elle a qualifié comme étant "inattendu et incompréhensible".
John Kennedy, président et directeur général de la Fédération internationale de l'industrie phonographique (IFPI), s’est dit déçu du vote de jeudi.
"Cette loi était une réponse efficace et proportionnée pour lutter contre le piratage et amener les internautes vers le vaste choix de plateformes musicales légales", a-t-il affirmé.
Malgré ce cuisant revers, la ministre de la Culture, Christine Albanel, ne veut pas baisser les bras. Après avoir dénoncé la "triste comédie" de l’opposition, elle s'est déclarée "déterminée à se battre […] pour la défense des créateurs et contre le pillage des œuvres".
Le prochain, et peut-être ultime, épisode du feuilleton Hadopi est programmé pour le 28 avril.