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Les scientifiques du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat ont rendu, vendredi, un rapport alarmiste sur l’évolution du changement climatique. Un ancien vice-président du GIEC explique à FRANCE 24 ce qui a changé depuis 2007.

Cinq ans après leur précédent rapport, les scientifiques du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) sont toujours aussi pessimistes, voire encore plus. Les travaux menés par ces experts du réchauffement climatique “confirment mais aussi renforcent les diagnostics précédents”, souligne Jean-Pascal van Ypersele (Université catholique de Louvain), vice-président du GIEC.

Fonte des glaces, hausse des températures, montée du niveau des mers : le “Résumé à l'intention des décideurs”, un texte d’une vingtaine de pages rendu public vendredi 27 septembre et qui condense les conclusions du Ve rapport du GIEC, prouve que la situation empire sur bien des aspects.

“Ce qu’on constate avant tout, c’est une accélération des conséquences du changement climatique”, affirme Martin Beniston, responsable de l’unité de recherche sur le changement climatique à l’Université de Genève et vice-président du GIEC entre 1992 et 1997. C’est particulièrement visible au niveau de la fonte de la calotte glacière au Groënland et en Antarctique. “À l’époque du dernier rapport [en 2007, NDLR], le mouvement s’amorçait et toutes les observations démontrent que la fonte s’est accélérée”, remarque Martin Beniston. Ainsi, d’après le pire des scénarios envisagés par le GIEC la banquise arctique estivale pourrait avoir totalement disparu d’ici 2050.

La fonte plus rapide que prévue des glaces a poussé les experts du GIEC à réviser à la hausse leur estimation de la montée du niveau des mers. Ils estiment qu’à l’horizon 2081-2100, la mer pourrait être plus haute de 26 à 82 cm contre une projection de 18 cm à 59 cm dans le rapport 2007. “L’évolution de la calotte glacière au Groënland va être cruciale pour mesurer l’impact sur le niveau des mers”, observe Martin Beniston.

"Vers une nouvelle hausse des températures"

Cette accélération, soulignée par le GIEC, a aussi des impacts plus immédiats sur le quotidien de millions de gens. Ainsi, d’après Martin Beniston, la grande sécheresse de 2010 en Russie ou les inondations de 2010 et 2011 au Pakistan qui ont affecté environ 18 millions de personnes sont des conséquences directes du réchauffement climatique. “Il y a clairement une multiplication des événements extrêmes”, note ce climatologue. Scientifiquement, ça s’explique : "Le réchauffement de l’atmosphère dû aux émissions de gaz à effet de serre fournit l’énergie nécessaire au déclenchement de ces événements”, résume Martin Beniston. Pour lui, même les ouragans de type Sandy, qui a frappé de plein fouet New York en 2012, proviennent du réchauffement climatique. Il note qu'il faut s’attendre "à moins d’ouragans mais qui auront des effets plus dévastateurs".

Parmi toutes les observations du rapport, une donnée risque de s’avérer “polémique”, selon Martin Beniston. La hausse des températures s’est, en effet, ralentie par rapport aux années 1990. Une munition de première ordre pour les climato-sceptiques ? Martin Beniston ne le pense pas : “Le changement climatique n’affecte pas seulement les températures, il module également d’autres facteurs comme actuellement la fonte de la calotte glacière. Mais toute cette chaleur emmagasinée par la mer va finir, d’ici une quinzaine d’années, par remonter dans l’atmosphère et entraîner une nouvelle hausse des températures”.

“Couper le robinet”

Les scientifiques du GIEC sont, en outre, plus convaincus encore qu’en 2007 que l’homme est le principal responsable de tout cet emballement climatique. Lors du dernier rapport, ils en étaient certain à 90%... contre 95% aujourd'hui. Surtout, les efforts consentis par certains pays, “notamment européens”, pour réduire les émissions de gaz à effet de serre n’ont guère ralenti le phénomène. "Les nouveaux géants économiques que sont la Chine ou l’Inde ont pris le relai des émissions de gaz à effet de serre", note Martin Benitson. Pour lui, rien ne changera sauf si tous les pays entreprennent les mêmes efforts. “C’est comme une baignoire sur le point de déborder, on a beau mettre toutes les serviettes qu’on veut dessus, si on ne coupe pas le robinet, l’eau va finir par passer par dessus le rebord”, regrette ce spécialiste. Comme les carburants fossiles, tels que l’essence ou le diesel, sont responsables à 70% des émissions, couper le robinet “signifie un changement profond de société”, avertit Martin Bentison.

Sans aller jusque-là, Washington a appelé, suite aux conclusions du GIEC, à une “réponse forte”. Elle doit se traduire, d’après le secrétaire d’État John Kerry, à une “plus grande coopération” entre les pays. Reste à savoir ce qu’il restera de ces paroles lors du prochain sommet sur le climat qui se tiendra en 2015 à Paris.