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L'opération séduction d'Hassan Rohani irrite Israël

Les mots conciliants du président iranien Hassan Rohani à l’ONU suscitent un espoir prudent chez la plupart des diplomates occidentaux. Mais du côté israélien, la politique de la main tendue adoptée par l’Iran irrite au plus haut point.

La nouvelle diplomatie du sourire adoptée par le président iranien Hassan Rohani semble porter ses fruits auprès des Occidentaux, mais plonge Israël dans une colère noire. La moindre allusion à Téhéran provoque des réactions épidermiques chez les autorités israéliennes qui, peu à peu, s’isolent sur la scène internationale par leur opposition totale et systématique à l’Iran.

Entrevue entre John Kerry et son homologue iranien Javad Zarif

Signe d’un réchauffement des relations irano-occidentales, Javad Zarif, chef de la diplomatie iranienne, et son homologue américain John Kerry, se sont entretenus au cours d’une rencontre, témoignant de la volonté des deux parties de mettre de côté, provisoirement du moins, des tensions qui remontent à plus de 30 ans.

"Nous avons eu une réunion très constructive", a déclaré John Kerry à des journalistes après à l’issue de cette rencontre. Puis, modérant son enthousiasme, il a ajouté : "Inutile de dire qu'une réunion et un changement de ton, qui furent les bienvenus, ne suffisent pas à répondre à toutes les questions et qu'il reste encore du travail à faire."

Le festival d’amabilités a commencé mardi 24 septembre, dès le premier jour de la 68e Assemblée générale de l’ONU. Yuval Steinitz, chef de la délégation israélienne, a boycotté l’intervention du président iranien, au cours de laquelle Hassan Rohani affirmait que son pays n’était "absolument pas une menace pour le monde ou pour la région" et défendrait "la paix basée sur la démocratie et les bulletins de vote partout dans le monde". "Plus la pression économique et militaire augmente sur l'Iran, plus la diplomatie a des chances de succès", a laconiquement réagi le diplomate israélien.

Exaspéré par la main tendue affichée par l’Iran, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou s’est fendu, dans l’heure, d’un communiqué assassin, fustigeant les propos "cyniques" et "totalement hypocrites" du président iranien. "Cette intervention traduit exactement la stratégie iranienne qui consiste à parler et à gagner du temps pour faire progresser ses capacités à se doter d’armes nucléaires", a-t-il déclaré.

Rancœur tenace

Les déclarations d'Hassan Rohani, un peu plus tard sur CNN, au sujet de l’Holocauste ne sont pas davantage parvenues à amadouer l’État hébreu. Tranchant clairement avec son prédécesseur Mahmoud Ahmadinejad, qui considérait la Shoah comme une "tromperie", le président iranien nouvellement élu a fustigé "tout crime contre l'humanité, y compris les crimes commis par les nazis envers les juifs". "Tuer un être humain est méprisable, cela ne fait pas de différence s’il est chrétien, juif ou musulman", a-t-il ajouté.

Ces propos ont été d’abord accueillis par un silence glacial de la part d’Israël, avant que des réactions pincées d’officiels se fassent entendre dans la presse. "Où en sommes-nous arrivés ?", s’est ainsi interrogé Zeev Elkin, vice-ministre des Affaires étrangères, sur une radio militaire israélienne. "Il suffit de reconnaître que la Shoah a eu lieu pour passer pour un homme éclairé, cultivé et positif ?", a-t-il ajouté, notant que le président Rohani avait beau avoir reconnu l’Holocauste, il n’avait pas pour autant condamné ceux qui le niaient.

Depuis mardi, la diplomatie israélienne n’a cessé d’œuvrer dans le but de discréditer l’Iran, et de rappeler au bon souvenir de la communauté internationale que son ennemi juré est bel et bien en train d’enrichir de l’uranium non pas à des fins médicales, comme Téhéran l’affirme, mais à des fins militaires.

L’ambassade israélienne à Washington a ainsi tenté l’humour pour faire passer son message, en imaginant, sur son compte officiel Twitter, à quoi ressemblerait le profil LinkedIn (un réseau social professionnel) d'Hassan Rohani : "Depuis mon élection […], grâce à une série de déclarations, de tweets, d’opérations de communication et de sourires, j’ai réussi à transformer le régime des ayatollahs, ennemi des droits de l’Homme, en régime modéré, source d’espoir au sein de la communauté internationale", écrit l’ambassade sur le CV fictif de Hassan Rohani.

"Rohani est devenu la star de l’ONU"

"La diplomatie du sourire de Rohani a atteint son but et Israël est désormais menacé d’isolement", a estimé mercredi Chico Menashe, commentateur politique à la radio publique israélienne. Pour Uzi Rabi, spécialiste de l’Iran à l’université de Tel Aviv, "il était beaucoup plus facile d’argumenter contre l’Iran" sous Ahmadinejad. "Je ne suis pas sûr que pousser des grands cris soit le meilleur moyen à employer cette fois-ci", a-t-il affirmé, assurant que "Rohani est devenu la star de l’ONU".

Les critiques israéliennes n’entament pas la détermination d'Hassan Rohani de redorer l’image de l’Iran aux yeux du monde. Il s’est posé, jeudi soir, en grand défenseur de la non-prolifération nucléaire et a renvoyé l’État hébreu à ses contradictions. "Israël, seul pays dans la région qui ne soit pas partie du Traité de non-prolifération nucléaire, devrait le faire sans délai supplémentaire. Toutes les activités nucléaires dans la région devraient être soumises aux contrôles de l’Agence internationale de l'énergie atomique".