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Khadra-Bensalah, regards croisés

France 24 a rencontré l'écrivain Yasmina Khadra et le cinéaste Djamel Bensalah, deux artistes à cheval entre Algérie et France et mêlant cultures et vécus à leurs œuvres. À la conjonction entre Orient et Occident...

"Le monde se fait sans nous"

Ya smina Khadra, 54 ans, de son vrai nom Mohamed Moulessehoul, s'est installé en France avec sa famille à l'aube des a nnées 2000. Il a enterré trente-six ans de vie militaire - il était officier supérieur de l’armée algérienne - pour se consacrer à la litté rature.

Traduit dans plus de trente langues, Yasmina Khadra bouleverse les visions occidentales des réalités du monde arabe en dénonçant la culture de la violence et la bêtise humaine. "Les Hirondelles de Kaboul" (2002), "L’attentat" (2005) ou "Les Sirènes de Bagdad" (2006) illustrent le dialogue de sourds entre Orient et Occident.

L’écrivain algérien explique qu’il s’est d’abord cru parmi les siens en arrivant en France, reconnaissant un pays du verbe, des arts et de la culture. Bien que les Français représentent aujourd’hui la majeure partie de son lectorat, la critique lui réserve un accueille mitigé. "Certains m’ont condamné, car je venais d’un milieu militaire, relève-t-il. Tout ce que je fais en tant qu’écrivain est relégué à l'arrière-plan." Selon lui, "le talent ne suffit pas aux yeux des Français".

La France, observe Yasmina Khadra, c' est "un peu le monde à l’envers". Il explique : "Les Français n’ont pas l’élite qu’ils méritent. La société est plus tolérante, beaucoup plus curieuse."

Chacun de ses textes est une part de lui, mais c'est dans "Ce que le jour doit à la nuit" qu'il se retrouve le plus : " un homme fraternel." Ce dernier roman paru chez Julliard, en 2008, relate le parcours et le destin, jalonnés de tragédies, d’un garçon algérien, des années 1930 à nos jours.

Pour cet Algérien, la France "résonne" comme un grand espoir méditerranéen : "C’est une porte ouverte sur les espérances." Parlant de ses attentes envers l’Algérie, il ajoute : "Le monde se fait sans nous, il viendra un jour où nous serons exclus si nous ne réagissons pas très vite."

Djamel Bensalah : "Je suis d’abord Français, puis Algérien"

Le ré a lisateur Djamel Bensalah est né à Saint-Denis (en région parisienne), où il a grandi avec ses huit frères et sœurs. C’est à 12 ans seulement qu’il se rend pour la première fois en Algérie. Il raconte : "Quand je suis arrivé à Alger, j’avais l’impression d’être à Marseille, où j’allais parfois en vacances. A l’époque, j’avais plutôt envie d’être en colonie de vacances, avec mes potes."

A 28 ans, et déjà trois films à son actif, le réalisateur en quête d'identité retourne à Alger pour connaître le pays de ses parents. Cette deuxième rencontre est aux antipodes de la précédente, car le réalisateur se retrouve dans cette culture : "Au bout d’une heure, je me suis dit qu’il fallait que je fasse un film." Un an plus tard, en 2005,  "Il était une fois dans l’Oued" sortait dans les salles obscures. 

Le cinéaste explique à France 24 que chacun de ses films contient une part de lui, mais que celui-ci - l'histoire d’un jeune Français qui rêve de devenir épicier en Algérie - le reflète davantage.

Djamel Bensalah est réalisateur, mais aussi scénariste et producteur. C’est avec cette dernière activité qu’il s’investit pour l’Algérie. Miroir Magique, sa boîte de production située à Alger, est pour lui un moyen de s’investir humainement dans le pays : "Mon activité là-bas n’est pas rentable au plan économique, mais je gagne différemment."

Comme Yasmina Khadra, qui souhaite que ce pays "se rallume", Djamel Bensalah attend beaucoup de l’Algérie :  "L’idée est d’aider culturellement cette jeunesse, qui ne demande qu’à s’en sortir."