logo

Anklam veut changer son image de capitale allemande du chômage

La ville d'Anklam a longtemps symbolisé, en raison d’un chômage record, la difficulté d’intégrer les communes d’ex-RDA dans l’Allemagne réunifiée. Mais les choses ont changé assurent, aujourd’hui, les habitants de cette bourgade au nord de Berlin.

Elle a longtemps été considérée comme l’un des points noirs de l’Allemagne. La ville d’Anklam, à deux heures de train au nord de Berlin dans le Land de Mecklembourg-Poméranie occidentale, traîne depuis une dizaine d’années une bien mauvaise réputation : celle de détenir le record du plus haut taux de chômage de tout le pays. Au début des années 2000, la presse allemande avait fait ses choux gras des 31% de personnes sans emplois à Anklam. Cette commune de 14 000 âmes, qui en comptait 20 000 avant la chute du Mur, était devenue le symbole des difficultés d’intégrer les villes de l’Est dans l’Allemagne réunifiée.

Cette image irrite prodigieusement Matthias Kühn, un ingénieur civil local de 47 ans, qui roule en Mercedes et possède plusieurs immeubles en ville. Pour lui, Anklam “ce n’est plus ça”. Pourtant, en sortant de la gare pour arriver en ville, le nouvel arrivant tombe nez à nez avec une affiche électorale du NPD, le principal parti d’extrême-droite allemande. Cette formation, qui comme les autres partis du même acabit en Europe, fait souvent son beurre électoral sur le dos de la misère, pense qu’un bon score aux élections législatives du 22 septembre est envisageable à Anklam.

La ville compte, en outre, bon nombre d’immeubles délabrés, pour la plupart impropres à l’habitation, qui sont autant de rappels, que par faute de moyens ou d’envie, la réhabilitation urbaine a longtemps été négligée.

Un immeuble pour 20 000 euros

Mais pour Matthias Kühn, tout ça n’est qu’une façade, des reliquats d’un passé, certes récent, mais qui n’est déjà plus. “À Anklam, les choses bougent maintenant”, clame ce “self-made man” à l’Allemande. D’abord, cette enquiquinante question du chômage : depuis plusieurs années, le taux de chômage tourne, en fait, autour de 10%. C’est certes plus que la moyenne nationale (7%), mais on est loin des 30% qui ont fait les gros titres des journaux.

Ensuite, les immeubles insalubres. Chacun d’entre eux, ou presque, jouxte un autre bâtiment entièrement refait à neuf. “Ceux qui sont encore en mauvais état sont actuellement rachetés les uns après les autres et vont être remis à neuf dans les prochains mois ou les prochaines semaines”, affirme Matthias Kühn. Il en sait quelque chose puisque son cabinet d’ingénierie s’occupe des travaux de réhabilitation. “Les investisseurs sont de plus en plus intéressés, c’est un signe qu’ils pensent que c’est ici que ça se passe”, ajoute l’entrepreneur. Il faut dire que les prix sont intéressants : un immeuble à rénover coûte, en moyenne, à peine 20 000 euros. Ce ne serait donc plus qu’une question de temps.

Il n’y a pas que le cadre d’habitation, la qualité de vie importe aussi. “Avec mes deux enfants, je pense que je suis mieux ici qu’à Berlin, Hambourg ou n’importe quelle autre grande ville”, souligne Matthias Kühn. Il se met alors à égréner les services et activités proposés par Anklam. Rien ne manque à l’appel : théâtre, salle de concert, installations sportives, restaurants, médecins en tout genre etc. Deux bâtiments occupent une place particulière pour lui : le cinéma qui a ouvert il y a six ans alors que la ville n’en avait plus depuis près d’une décennie, et le collège qui accueille 1200 élèves venus de toutes les communes à 40 kilomètres à la ronde.

Changement de mentalité

Matthias Kühn n’est pas seul à être convaincu qu’Anklam est sur la bonne voie. Un autre entrepreneur local, Sven Stiemer, le pense aussi. “Enfin l’activité décolle ici”, assure le co-fondateur de Bogensportwelt, une entreprise de 45 salariés, leader en Allemagne de la vente de matériels pour tir à l’arc. Il a même une explication pour ce retard à l’allumage. “C’est le temps dont la ville a eu besoin pour savoir, où elle voulait aller après la réunification”, assure Sven Stiemer. Pour lui, il y a d’abord eu la phase durant laquelle une partie des habitants de la commune ont voulu profiter de la nouvelle donne politique afin de tenter leur chance dans les grandes villes. Ensuite, Anklam a dû, comme tant d’autres villes de l’ex-RDA, s’adapter dans la douleur aux nouvelles lois du marché.

Ce qui a changé maintenant ? La bonne forme économique de l’Allemagne en général y est pour quelque chose. Sans elle, Anklam n'aurait sans doute pas connu pareille éclosion de nouvelles entreprises dans des domaines porteurs comme l'informatique ou le bâtiment. En outre, “la génération des enfants dont les parents sont restés et qui ont grandi durant cette période a décidé de prendre les choses en main”, affirme Sven Stiemer. Elle aurait créé une dynamique qui commence à rendre Anklam de nouveau attractif.

Reste qu’il y a encore du chemin à parcourir. “Le principal obstacle maintenant est dans la tête des gens ici”, note Matthias Kühn. Habitués à être vus comme les moutons noirs de l’Allemagne et ayant connu les périodes de vaches maigres “une partie d’entre eux ne saisit pas encore toutes les opportunités qui existent à Anklam”, regrette l’ingénieur. Il aimerait les voir s’impliquer davantage dans la vie locale, ce qui, croit-il, “pourrait inciter des gens plus éduqués à venir voir ce qui se passe ici et à rester au lieu de repartir aussitôt comme c’était le cas il y a encore quelques années”.