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Syrie : de plus en plus de rebelles se radicalisent, selon une étude britannique

Un rapport de l’institut IHS Jane’s affirme que sur les 100 000 Syriens combattant le régime de Bachar al-Assad, 10 000 ont des liens étroits avec Al-Qaïda et jusqu’à 35 000 partagent la vision des islamistes les plus radicaux.

"Il faut être sûrs que ceux qui se chargeront de la transition politique [en Syrie] soient des démocrates." Lors de son allocution télévisée, dimanche 15 septembre sur TF1, François Hollande a clairement réaffirmé sa volonté de voir Bachar al-Assad quitter le pouvoir syrien tout en s’assurant que des groupes radicaux ne lui succèdent pas.

Mais la tâche s’annonce des plus ardues à en croire le think tank international IHS Jane’s qui s’apprête à publier un rapport sur le nombre de combattants djihadistes parmi la rébellion syrienne. "Nous ne pouvons pas corroborer l’idée que la plupart des groupes d’opposants au régime sont laïcs. Les insurgés sont désormais dominés par des groupes qui possèdent - au minimum - une vision islamiste du conflit", assure Charles Lister, auteur du rapport dont les grandes lignes ont été dévoilées lundi 16 septembre par le "Daily Telegraph".

Dans le détail, le document fait état de :

  • 100 000 combattants opposés au régime repartis en plus de 1 000 groupes.
  • 10 000 djihadistes (y compris des étrangers) qui entretiennent des liens directs avec Al-Qaïda.
  • 30 à 35 000 qui partagent les points de vue des islamistes radicaux (mais qui ne souhaitent pas forcément prendre part au djihad international, préférant se battre uniquement pour la Syrie).
  • Et au moins 30 000 modérés appartenant à des groupes à caractère islamiste.

Au final, une infime minorité de rebelles serait liée à des groupes laïcs ou purement nationalistes. Ces chiffres, IHS Jane’s affirme les tenir des différentes estimations des services de renseignement et d’interviews réalisées avec des activistes et des militants.

"Ceux qui savent vraiment ne communiquent pas"

Une méthodologie insuffisante pour en tirer des conclusions, selon Didier Billion, directeur adjoint de l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS). "Commenter ces chiffres me paraît totalement absurde car nous ne disposons d’aucun élément pour recouper ces informations. Au Nord-Mali aussi nous avons voulu compter les djihadistes mais finalement, ceux qui savent vraiment, comme les services de renseignement, ne communiquent pas directement", explique-t-il à FRANCE 24, ajoutant que la seule certitude est qu’il existe "une dynamique inquiétante de renforcement des plus radicaux en Syrie."

Si les chiffres sont donc discutables, pour ce spécialiste du Moyen-Orient, chercher à simplement remplacer Bachar al-Assad par des démocrates est, en revanche, "clairement irréalisable". Défendant la position française, une source diplomatique assure à FRANCE 24 que Paris "concentre son effort diplomatique uniquement sur l’opposition modérée." C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la France ne reconnaît que l’autorité de la Coalition nationale syrienne avec qui une étroite collaboration est entretenue, rappelle cette même source. L’important est de "ne pas laisser le chaos profiter à Bachar al-Assad, ni aux djihadistes. En progressant sur le terrain diplomatique, on peut porter un coup aux deux en même temps", ajoute-t-elle.

Reste que pour Didier Billion, "il n’y a aucune barrière étanche entre ces différents groupes rebelles, tout est fluctuant. Ils n’ont pas de formation logistique pour gérer l’afflux d’armes ou politique pour gérer les relations. À tout moment, n’importe quel groupe se réclamant de l’islamisme radical peut se réclamer d’autre chose si c’est dans son intérêt. C’est ingérable", assure-t-il, craignant que la fin du régime de Bachar al-Assad ne conduise à une véritable situation anarchique.

Influence grandissante d’Al-Nosra et de l’EIIL

Pour Charles Lister, maintenir le président syrien en place revient à "pousser les islamistes modérés à se radicaliser". Parmi les plus extrémistes, deux factions connues pour leurs liens avec Al-Qaïda dominent, d'après le rapport, par leur influence : il s’agit du Front al-Nosra et de l'État islamique en Irak et au Levant (EIIL). Selon le "Daily Telegraph", depuis plusieurs mois dans les régions du nord de la Syrie, ces deux groupes - bien qu'en infériorité numérique sur le terrain - ont pris le contrôle des ressources générant des revenus comme le pétrole, le gaz et les céréales. Une manne financière qui leur aurait permis de gagner la sympathie des habitants qui reçoivent des vivres de leur part.

En parallèle de leurs tentatives de rapprochement avec les locaux, ces groupes lourdement armés sont de plus en plus belliqueux, assure également le quotidien britannique. Réclamant l’instauration d’un État islamique, leur vision se heurte de plus en plus aux modérés, au sens propre comme au figuré. Il y a quelques jours, des combats ont éclaté, à nouveau, entre de rebelles de l’EIIL et des modérés. Et ces dernières semaines, Al-Qaïda aurait fait assassiner plusieurs responsables de l’Armée syrienne libre (ASL) dans la province de Lattakié, au nord de la Syrie. Depuis, les menaces de représailles fusent.