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Vingt ans après, que reste-t-il des accords d’Oslo ?

Il y a vingt ans, le 13 septembre 1993, étaient signés les accords d’Oslo par Yasser Arafat et Yitzahk Rabin. Mais l'espoir soulevé par ce traité historique s'est évanoui, au désarroi des Palestiniens, qui attendent toujours leur État.

L’image historique est encore dans les mémoires : Yasser Arafat et Yitzhak Rabin se serrant la main sur la pelouse de la Maison Blanche en présence de Bill Clinton. C’était le 13 septembre 1993. Le processus lancé ce jour-là par la signature de la Déclaration de principes, en présence du chef de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) et du Premier ministre israélien, tous deux aujourd’hui disparus, s'est enlisé.

Les accords devaient poser les jalons pour régler le conflit israélo-palestinien et établir les bases d’une autonomie palestinienne à l’intérieur des frontières de 1967. Mais le problème des réfugiés palestiniens, la multiplications des attentats et la seconde Intifada ont mis à mal le processus de paix. Par la suite, l’émergence du Hamas, puis son arrivée au pouvoir en 2006 dans la bande de Gaza, ainsi que la poursuite de la colonisation israélienne ont changé la donne et constituent des pierres d’achoppement pour chacun des camps.

Constat d’échec

Aujourd’hui, plus de deux tiers des Israéliens et des Palestiniens (68 et 69%) jugent faibles ou nulles les chances de création dans les cinq ans d'un État palestinien à côté d'Israël, selon un sondage réalisé en juin.

A Hébron, Moussa Jaber, un ouvrier agricole palestinien, témoigne de ce sentiment de désespoir. "Ma maison est vieille et j'aimerais en construire une autre, mais on nous l'interdit", confie-t-il aux reporters de l’AFP. "Par contre, les Israéliens ne se gênent pas pour construire", observe-t-il, amer, en désignant du doigt un lotissement en face. Et d’ajouter : "Les maisons de Kiryat Arba [une colonie], en face, sont toutes neuves, mais si on construisait une maison ils viendraient la démolir".

Et à Kiryat Arba précisément, les habitants ne sont pas plus enthousiastes concernant les accords d'Oslo. La plupart y étaient hostiles et sont opposés à a création d'un État palestinien. "A cette époque, j’étais enfant et je brandissais une pancarte contre les accords d’Oslo", se souvient Itamar Ben Gvir, un habitant de la localité. "On pouvait y lire : Ne leur donnez pas d’armes ! Ne leur donnez pas de pays ! Et que s’est-il passé ? Ils ont tiré sur nous", ajoute-t-il.

Pour Freddy Eitan, ancien ambassadeur d’Israël, "l’insécurité a rendu la société israélienne plus méfiante". Pour lui, les accords d’Oslo, qu’il qualifie de "TGV de la paix" sont un échec, en grande partie "car beaucoup d’étapes ont été brûlées". "Nous avons mis la charrue avant les bœufs", analyse-t-il, interrogé par FRANCE 24. "Le cérémonial qui a eu lieu sur la pelouse de la Maison Blanche a éclipsé la réalité du terrain et surtout la montée en puissance du Hamas qui est un saboteur de la paix", explique-t-il.

"Les accord d’Oslo ont ramené la Palestine en Palestine"

Pour d’autres en revanche, tout n’est pas à jeter dans les accords d’Oslo. C’est le cas de l'ancien ministre israélien Yossi Beilin, l'un des architectes de ces accords, qui selon lui ont au moins établi un lien entre les deux camps. "La reconnaissance mutuelle existant entre Israël et l'OLP est restée intacte", assure-t-il ainsi dans une tribune publiée par le quotidien Haaretz. "Aujourd'hui, Israël et les Palestiniens coordonnent les opérations dans tous les domaines, en particulier celui de la sécurité, c'est le changement majeur apporté par les accords d'Oslo".

Même constat pour Leila Shahid, déléguée générale de la Palestine auprès de l’Union européenne. "Ce serait injuste de dire qu’Oslo a été un échec total", estime-t-elle. Pour elle, "quelque chose de fondamental a changé en 1993 : la Palestine a été reconnue comme une réalité, comme un État potentiel à venir". Plus encore, elle rappelle les avancées qui ont suivi la conclusion du traité : "Yasser Arafat a pu ramener la Palestine en Palestine". Et d’insister : "Aujourd’hui, l’OLP est chez elle après plus de 45 ans d’exil et elle a construit les infrastructures administratives d’un État". Après un retour triomphal en juillet 1994 dans les territoires palestiniens au terme d’un exil de 27 ans, Yasser Arafat y avait établit l’Autorité palestinienne, dont il avait été élu à la présidence en janvier 1996.

Leila Shahid souligne toutefois comme principale raison de l’échec des accords d’Oslo, l’annexion de territoires par l’État hébreu et "notamment Jérusalem-est qui doit devenir la capitale de la Palestine, et beaucoup de territoire en Cisjordanie". Dénonçant la poursuite de la colonisation israélienne, elle rappelle qu’aujourd’hui "520 000 colons habitent dans le territoire palestinien". Et de conclure : "Si on veut vraiment négocier sur la base de deux États, il faut être cohérent et arrêter de construire un mur, des colonies et d’importer des gens. A moins qu’Israël ne souhaite un État d’apartheid."

Pour Freddy Eitan, malgré les échecs qui jalonnent le processus de paix israélo-palestinien, les négociations en cours à l’heure actuelle ont une chance d’aboutir. "Il n’y a tout simplement pas d’autres alternatives : il faut avoir un État palestinien à coté de l’État juif et des frontières défendables", estime-t-il. "Pour qu’on aboutisse à un accord, il faut des gestes de sincérité des deux côtés", conclut-il. Après trois ans de gel, Israéliens et Palestiniens ont repris le 29 juillet 2013 des négociations directes sous parrainage américain.