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Faire renaître une salle de cinéma à Kaboul, le grand rêve de "Kabuliwood"

Raconter, à travers un film, l’histoire d’une compagnie de théâtre qui cherche à ouvrir un centre culturel à Kaboul... et finir par faire aboutir le projet : tel est le rêve fou de la compagnie Aftaab, soutenu par le cinéaste Louis Meunier.

Par le biais d’un tournage de film, la salle de cinéma l’Aryub, à Kaboul, pourrait renaître de ses cendres. L’idée a germé dans la tête de Louis Meunier, cinéaste qui a parcouru l’Afghanistan de long en large entre 2002 et 2009 et a déjà réalisé deux documentaires sur le pays.

En 2006, il croise à Kaboul la route de jeunes comédiens afghans, de la compagnie Aftaab (soleil, en langue dari), créée l’année précédente par la metteuse en scène Ariane Mnouchkine et formée à l’école du Théâtre du Soleil, à la Cartoucherie de Vincennes. Mnouchkine avait le projet de monter un "caravansérail" théâtral à Kaboul, sorte de centre culturel qui attirerait les projets artistiques de jeunes Afghans. Mais le projet est tombé à l’eau faute de financement et a été étouffé par le conflit afghan.

C’est cette histoire que Louis Meunier souhaite raconter à travers un film, "Kabuliwood", qui serait tourné dans une des plus importantes salles de cinéma de Kaboul aujourd’hui délaissée et livrée au vent, l’Aryub.

"C’est un haut lieu de la culture afghane, emprunt d’histoire, qui a connu sa période faste dans les années 1970, quand 2000 personnes se pressaient pour occuper l’une des 1200 places du théâtre aux huit séances quotidiennes. Le tramway y acheminait toute la population de Kaboul. Le cinéma fermait à 4 heures du matin", raconte Louis Meunier.

30 000 dollars récoltés sur le web

Durant les heures sombres de l’Afghanistan, l’équipe du cinéma a caché les bobines de film aux Taliban, et les a conservées dans une cachette. Près de 400 bobines ont ainsi survécu. En 2003, le cinéma a rouvert après des travaux de réfection. Mais la salle ferme quatre ans plus tard, "à cause de la multiplication des chaînes de télévision et de l’explosion du piratage de DVD sur le marché", explique Louis Meunier. "Et puis la salle n’avait pas rénové son équipement, les projecteurs étaient vieux de 50 ans. Seuls de mauvais films pakistanais pouvaient y être projetés".

Aujourd’hui, trois salles de cinéma sont ouvertes à Kaboul, attirant "quelques mauvais garçons en mal d’érotisme, venus fumer de l’opium en cachette", d’après Louis Meunier. Pour éviter cet écueil et s’ouvrir à un public plus large, la compagnie Aftaab ambitionne de monter un centre culturel qui attirerait peintres, musiciens, acteurs de théâtre… en plus d’être un lieu de projection de films.

Pour l’instant, il n’est question que de tourner un film, et au passage, de rafraîchir un peu la salle. Avec les 30 000 dollars récoltés par voie de financement participatif sur le Web, quelques travaux vont être entrepris : changer les carreaux, installer un système électrique... "On a à peine de quoi tourner notre film, d’ici mars 2014", explique Louis Meunier. "Mais on n’a pas encore l’argent pour remettre la salle en état de fonctionnement, ni renouveler le matériel de projection… il faut encore beaucoup d’énergie et la collaboration d’institutions étrangères pour que l’Aryub prenne le chemin d’un centre culturel, avec une vraie programmation !".

Les Afghans vont voir, à travers le film, la salle mythique de l’Aryub se dépoussiérer et reprendre des couleurs. L’avenir dira si les artistes kabouli pourront s’approprier le lieu.