Retenus contre leur gré au Qatar, quatre Français privés de leur visa de sortie ont fait entendre leur colère, lundi, par la voix de leurs épouses résidentes en France. L'avocat des "otages" dénonce, lui, l'incurie de la diplomatie française.
Ils croyaient avoir trouvé l’eldorado, ils se retrouvent aujourd’hui pris en otage au Qatar. Lundi 26 août, les épouses de quatre Français retenus dans l'émirat ont poussé un "cri de colère" et lancé un appel à l'aide aux autorités françaises. Une requête restée, pour l’heure, sans réponse.
Privés de leur visa de sortie, les quatre ressortissants français, Zahir Belounis, footballeur franco-algérien, Stéphane Morello, entraîneur de football, Jean-Pierre Marongiu et Nasser Al-Awartany, deux chefs d’entreprise, font actuellement l’amère expérience des particularités de la législation qatarie. Pour travailler dans ce pays, un étranger doit en effet avoir un sponsor. Il s’agit le plus souvent d’une entreprise ou d’un particulier qui parraine l’étranger et lui délivre son visa d’entrée et de sortie. Une brouille dans la relation entre le sponsor et le ressortissant prive souvent ce dernier d’"exit permit", indispensable à toute sortie du territoire.
"Privés de leur liberté individuelle"
L’histoire de Zahir Belounis en est un exemple édifiant. Le footballeur franco-algérien, arrivé au Qatar en 2007, est accueilli avec tous les honneurs. Six années plus tard, le sportif porte plainte contre son club qui ne lui verse plus de salaire depuis deux ans. En
portant l’affaire devant les tribunaux, le joueur de football s’est vu privé du précieux document l'autorisant à quitter l'émirat. "Depuis, j’ai dû mettre fin à ma carrière de footballeur pour avoir porté plainte et je suis coincé au Qatar sans aucune ressource financière et un loyer de 4000 euros à régler tous les mois", confie le sportif à FRANCE 24. Soutenu psychologiquement et financièrement par sa famille et ses amis, il n’aspire qu’à une chose : rentrer en France retrouver sa femme et ses deux petites filles.
Le cas des trois autres ressortissants n’est guère plus réjouissant. "Ces Français séquestrés par le Qatar sont tout simplement privés de leur famille, de leur argent et du bien le plus précieux, celui de leur liberté individuelle", s’indigne Franck Berton, l’avocat des quatre expatriés français, dans un entretien accordé à FRANCE 24.
Une diplomatie française trop "molle"
Pour sortir ses clients de l’impasse, Me Franck Berton compte emprunter la voix diplomatique. Mais "le Quai d’Orsay semble plus prompt à veiller aux intérêts de la France au Qatar qu’à l’intérêt des Français qui y résident," tance le juriste furibond. "Pour faire avancer les choses, il faudrait que la diplomatie française soit plus mordante, moins molle qu’elle ne l’est actuellement".
Lorsque François Hollande s'est rendu au Qatar le 23 juin dernier, Zahir Belounis avait alors le cœur rempli d'espoir. "Le président m’a dit de ne pas m’inquiéter, qu’il essaierait de régler ma situation. Mais depuis, rien ne se passe", déplore, abattu, le joueur de football.
Franck Berton a d’ores et déjà annoncé qu'une plainte au pénal serait déposée. L’affaire risque d’être compliquée car parmi les parrains des quatre Français, deux sont des membres de la famille royale.
"L’esclavage moderne"
L’avocat compte également sur le rapport publié par Human Rights Watch en juin 2012 concernant la loi sur le parrainage pour faire bouger les choses. Mais là encore, l’heure n’est pas à l’optimisme. "La législation qatarie réduit les ressortissants étrangers à l’esclavage moderne et la situation ne risque pas de changer de si tôt", s’inquiète Jean-Marie Fardeau, directeur du bureau français de Human Rights Watch à FRANCE 24. "Et combien de travailleurs sri lankais, bangladais, venus en masse pour travailler sur les travaux de la Coupe du monde".
La main-d'œuvre étrangère au Qatar constitue plus de 85 % de la population du pays soit 1,9 million d’habitants. Un grand nombre des personnes exposées aux abus sont les travailleurs migrants d'Asie du Sud qui ont des emplois mal payés dans des secteurs comme la construction, et en particulier les femmes employées comme domestiques.