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Alors que Kiev prévoit de signer un accord commercial avec Bruxelles, la Russie fulmine à l’idée de voir l’un de ses partenaires commerciaux s’éloigner. Moscou a ainsi mis la pression sur son voisin en restreignant les importations ukrainiennes.

Alors que les autorités ukrainiennes doivent signer un accord commercial avec l’Union européenne en novembre, Moscou est bien décidé à faire pression sur Kiev pour privilégier sa propre union douanière. La Russie, réticente à voir l’Ukraine dont elle est le premier partenaire commercial se rapprocher de Bruxelles, a ainsi décidé de renforcer les contrôles douaniers sur les importations ukrainiennes, bloquant l’acheminement de l’ensemble des marchandises, avant de renoncer à cette mesure jugée trop stricte.

La société Rosher, une cible politique

Pourtant, la société ukrainienne Rosher reste concernée par l’interdiction d’accès au marché russe. Si l’entreprise de production de chocolat, classée quinzième parmi les plus gros confiseurs au monde, est officiellement bannie pour des raisons sanitaires, la direction de l’entreprise estime elle qu’il s’agit plutôt d’un problème politique. La société est en effet dirigée par Petro Poroshenko, un influent businessman et homme politique aux idées pro-européennes. Selon Sviatoslav Khomenko, journaliste à BBC Ukraine cité par "La Libre Belgique", la mise au ban de cette société n’est pas un hasard. "Poroshenko est très favorable à la signature de l’Accord d’association avec l’UE. C’est pour cela qu’il a été visé en premier, pour envoyer un message clair,"confie-t-il.

Au sein de l’entreprise, la tension est palpable. "Nous espérons que les négociations entre Kiev et Moscou porteront leurs fruits car le marché de l’exportation russe est très important pour nous," indique à FRANCE 24 Yevhen Vovchanovskiy, directeur de développement au sein de la société, qui redoute de lourdes pertes.

Pour le puissant voisin russe, il s’agit d’empêcher cet accord en vue de privilégier sa propre union douanière. Moscou espère que cette dernière, constituée également du Kazakhstan et le Bélarus, englobe l’Ukraine.

Face à la colère de la Russie, l’UE a jugé le 23 août "inacceptables" les pressions exercées, condamnant toute menace économique. La veille, le président Vladimir Poutine avait réitéré son opposition à cet accord considéré comme "suicidaire" en déclarant qu’il risquerait d'"essorer" les produits russes.

La compétitivité de l’Ukraine en question

Le rapprochement entre Kiev et Bruxelles est également vu d’un mauvais œil par certains économistes ukrainiens. Selon Vsevolod Stepaniu, interrogé par FRANCE 24, les exportations de l’Ukraine vers la Russie pourraient chuter de plus de 10 % en cas d’accord avec l’Europe, sans pour autant être absorbées par l’UE. "La situation des entreprises en Ukraine est bien pire qu’en Europe. Les entreprises ukrainiennes ne peuvent pas fabriquer des produits qui puissent être compétitifs, surtout pas dans un secteur de pointe," s’inquiète-t-il.

Du côté des analystes pro-européens, on estime que même si les premiers temps seront difficiles, l’Ukraine a la capacité de devenir compétitive sur le long terme. "L’accord de libre échange va nous permettre d’adopter les règles et les standards européens. Il s’agit d’attirer les investisseurs étrangers, ce qui nous permettrait de développer de nouveaux produits," indique Iidar Gazizullin, membre de l’Institut ukrainien de politique publique.

L’économie ukrainienne dépend en bonne partie des exportations d’acier, de charbon, de produits hydrocarbures, de céréales et de produits chimiques. Plus de 60 % de ces exportations vont vers d’autres anciennes Républiques soviétiques, en premier lieu la Russie, la Biélorussie et le Kazakhstan.

Outre l’opposition de Moscou, la signature de l’accord dépend des efforts de l’Ukraine exigés par l’UE en termes de respect de l’État de droit. L’Europe estime notamment que Kiev doit reconsidérer la situation de l’opposante et ex-Premier ministre Ioulia Timochenko.