logo

Chine : Chongqing, le traumatisme Bo Xilai

Avec ses 32 millions d’habitants, Chongqing est la plus grande agglomération au monde. La mégapole de l’Ouest chinois se développe à une vitesse fulgurante. Les investissements affluent, la croissance économique atteint les 15 % et le niveau de vie des habitants décolle. Mais certains regrettent l’époque où Bo Xilai, actuellement en procès, était à la tête du Parti communiste local.

À Chongqing, de nombreux "golden boys" comme Huang Ge ont fait fortune dans la finance. À 30 ans, ce jeune homme symbolise une réussite sociale sans complexe. Plutôt que d’aller dans un bureau officiellement enregistré, il passe l’essentiel de son temps dans la suite d'un grand hôtel où il a installé son bureau pour plus de discrétion. Ancien employé d’un fonds d’investissement, il travaille maintenant à son compte.

"Chongqing est une ville où l’on peut réaliser ses rêves", explique-t-il. "J’ai beaucoup d’amis qui ont des entreprises et qui ont choisi Chongqing. Le gouvernement de la ville encourage la création d’entreprises et fournit une très bonne plateforme aux talents qui développent leur potentiel".

La réussite économique est le mot d’ordre à Chongqing. Il faut oublier la politique. Car il y a deux ans, elle était partout. Des chants à la gloire de Mao résonnaient alors dans toute la ville. L’ex-patron local du parti communiste, Bo Xilai, avait lancé une campagne rouge pour mobiliser les masses comme au bon vieux temps de la Révolution culturelle. Mais la chute de Bo Xilai en 2012 pour corruption et abus de pouvoir a changé la donne. Aujourd’hui, les chants révolutionnaires ne sont plus fredonnés que par des retraités au coin d’un parc. Et il est désormais gênant de parler de Bo Xilai en public.

Pourtant, Bo Xilai est dans toutes les mémoires. Son nom rime ici avec la répression contre la mafia qui gangrenait la ville, mais aussi avec la répression des opposants.

L’une de ses victimes, Fang Hong, en sait quelque chose. Cet ancien garde-forestier revient avec nous non loin du camp de travail où il a été enfermé en 2011 durant une année, à cause d'un message critique posté sur Internet. "À travers mon année de privation de liberté, j’ai fait connaître au monde entier la situation des droits de l’Homme en Chine. J’ai donné à voir à tous les Chinois ce que faisait Bo Xilai".

Pourtant, l’amertume n’est pas seulement dans le camp des victimes. Car Bo Xilai est toujours populaire. Les habitants de Chongqing n’ont pas oublié ses politiques pour les défavorisés, comme les 40 millions de m2 de logements sociaux construits sous son règne. Han Meng est un ancien cadre dans le secteur du nucléaire. Il est chef d’un réseau clandestin de néo-maoïstes, des nostalgiques qui continuent de voir en Bo Xilai la réincarnation moderne du Grand Timonier. "Depuis un an que Bo Xilai est parti, tout le monde a pu constater les changements qui se sont produits. Toutes les campagnes et les mesures que Bo a organisées pour améliorer la vie du peuple, ont été détruites… ", constate-t-il avec amertume.