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Reconnaissance de la Palestine en 2025 : une victoire diplomatique, et après ?
La reconnaissance de l’État de Palestine par plusieurs pays occidentaux en septembre, à l’initiative de la France, s'impose comme l' un des événements diplomatiques de l'année 2025. Ce tournant essentiellement symbolique pour les Palestiniens peut-il marquer la fin d’une impasse géopolitique vieille de plusieurs décennies ?
Des Palestiniens brandissent leurs drapeaux lors d'un rassemblement en soutien à Gaza et pour célébrer la reconnaissance de l'État palestinien par des pays occidentaux, à Ramallah, en Cisjordanie, le 23 septembre 2025. © Nasser Nasser, AP

En 2025, la cause palestinienne a enregistré une victoire symbolique avec une série de reconnaissances officielles de la Palestine par plusieurs pays occidentaux qui, jusque-là, s’étaient montrés prudents, voire ambigus.

En septembre, à l’occasion de la 80e Assemblée générale des Nations unies à New York, la France, le Royaume‑Uni, le Portugal, le Canada, l’Australie, ainsi que la Belgique notamment, annoncent qu’ils reconnaissent formellement l’État de Palestine, alors même qu’Israël poursuivait sa guerre à Gaza, et accentuait sa politique de colonisation en Cisjordanie occupée. 

La diplomatie française à l’initiative

La France a joué un rôle moteur dans cette vague de reconnaissances inédites. Et ce, au grand dam du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, fermement opposé à la création d'un État palestinien, qu’il perçoit comme "une énorme récompense pour le terrorisme" en référence au Hamas, principal responsable des attaques du 7-Octobre. 

Après avoir longtemps soutenu, sur le plan rhétorique, la création d’un État palestinien tout en le conditionnant à une paix préalable avec l’État hébreu, Paris décide finalement de franchir le pas de la reconnaissance, le 22 septembre, lors d’un discours d’Emmanuel Macron à la tribune de l’Assemblée générale. 

Une décision présentée comme un soutien explicite à la solution à deux États, considéré comme la référence centrale pour toute perspective de règlement du conflit israélo‑palestinien.

"Cette reconnaissance est incontestablement un moment très important dans l'histoire de ce conflit, de même que pour la diplomatie française, surtout pour la manière avec laquelle elle a été conduite, souligne Jean-Paul Chagnollaud, professeur émérite des universités et président honoraire de l'Institut de Recherche et d'Études Méditerranée Moyen-Orient (IREMMO). C'est vrai qu'il y a une dimension symbolique, mais c’est plus que cela car il s’agit vraiment d’un acte politique important". 

Et d’ajouter : "La France s’est efforcée de rallier autour de son initiative toute une partie de l'Occident qui jusque-là était réfractaire, sans oublier que l’initiative globale française a conduit à la déclaration de New York, qui a été signée par 142 États". 

La reconnaissance française s’inscrit effectivement dans une initiative diplomatique plus large : une conférence internationale, coprésidée par la France et l’Arabie saoudite, qui aboutit à l’adoption par l’Assemblée générale, le 12 septembre, de la Déclaration de New York affirmant le caractère "essentiel et indispensable" de la reconnaissance de l’État palestinien.

Ce texte trace une feuille de route jugée "irréversible" pour organiser un règlement politique du conflit israélo-palestinien sur base de la solution à deux États et qui exclut le Hamas de tout rôle politique à Gaza.

"Une reconnaissance de ce type, en dernière instance, revient à la décision d’une seule personne, c'est-à-dire le président de la République, qui a comme tout le monde des états d'âme et des hésitations, note Jean-Paul Chagnollaud. Au printemps 2025, je n'aurais pas parié un euro sur la reconnaissance de l'État [palestinien, NDLR] par la France. Mais manifestement, ce qu'Emmanuel Macron a découvert en avril, lorsqu’il s’est rendu à quelques dizaines de kilomètres de la bande de Gaza, lors d’une visite en Égypte, les atrocités alors commises dans le territoire côtier palestinien, l'ont poussé à agir".

Une reconnaissance aux effets limités

Toutefois, si cette vague de reconnaissances ouvre la voie à une approfondissement des relations bilatérales et maintient la pression sur l’Autorité palestinienne, enjointe de mener des réformes internes, elle reste largement insuffisante au regard de la réalité du terrain.

Même si elle a, selon Paris, accentué la pression sur le gouvernement israélien pour accepter, 18 jours après l’Assemblée générale de l’Onu, le cessez-le-feu à Gaza exigé par Donald Trump, la reconnaissance internationale ne met pas fin à l’occupation, n’arrête pas l’expansion des colonies ni les violences subies par les civils palestiniens. Pas plus qu’elle ne met hors jeu le Hamas qui contrôle toujours la bande côtière palestinienne.

Sans mise en œuvre concrète de la Déclaration de New York, sans pression accrue sur le gouvernement israélien et sans volonté américaine de rééquilibrer effectivement le rapport de force, elle risque de rester surtout symbolique, sans impact sur le quotidien des Palestiniens. 

"Les effets sont évidemment à la fois limités et par certains côtés, contre-productifs, poursuit Jean-Paul Chagnollaud. Ils sont limités parce qu’évidemment, la reconnaissance n'a pas d'impact et que la France et les Européens n'ont pas de moyen d'action sur le terrain contrairement aux Américains, qui sont clairement contre cette reconnaissance et la déclaration de New York". 

"C'est contre productif, si tous ces États qui ont franchi le pas de la reconnaissance s'en tiennent à cela, estime-t-il. Et malheureusement c'est le cas puisqu’ils n'ont pas bougé le petit doigt pour essayer d'imposer conjointement une réalité sur le terrain, par exemple au moyen de sanctions à l’égard d’Israël qui a mené une guerre qui a anéanti une société toute entière et qui fait tout, y compris en Cisjordanie, pour casser l’idée même d’un État palestinien". 

Cette séquence diplomatique a été rapidement éclipsée par le plan de paix de Donald Trump, qui est parvenu à imposer un cessez‑le‑feu à Gaza. Un plan de paix structuré autour des priorités américaines et israéliennes, principalement sécuritaires, laissant intactes les frustrations qui nourrissent les violences et minent toute perspective de paix durable.

"On se dirige vers un écrasement de la question palestinienne, au sens propre comme au figuré, conclut Jean-Paul Chagnollaud. Je pense même que l’on assistera en 2026, à l’une des pires séquences de l'histoire des Palestiniens." ​