
Les coptes d’Égypte craignent la multiplication des agressions depuis le massacre commis lors de l’évacuation des sit-in des pro-Morsi par les forces de l’ordre mercredi. Plusieurs églises ont été incendiées et des commerces pillés.
Des églises en feu, des commerces pillés, des familles agressées… Les coptes d’Égypte, régulièrement pris pour cible par les islamistes, vivent aujourd’hui dans la peur des représailles, notamment dans le Sinaï, au Caire ou à Louxor, où les attaques se sont multipliées. Mercredi 14 août, après l’évacuation sanglante des sit-in des partisans du président déchu Mohamed Morsi par les forces de l’ordre, plusieurs églises coptes ont en effet été incendiées à travers l’Égypte. Les autorités égyptiennes recensent trois églises détruites. Mais selon des organisations chrétiennes, le bilan est beaucoup plus lourd.
Selon l'ONG Initiative égyptienne pour les droits de la personne (EIPR), au moins 25 églises ont été incendiées depuis mercredi et des attaques ont visé de nombreuses écoles, maisons et échoppes coptes dans 10 des 27 provinces d'Égypte. "Une cinquantaine d’établissements chrétiens, dont 18 églises, mais pas seulement coptes ou orthodoxes, ont été totalement brûlées et saccagées, témoigne quant à lui Adel Guindy, le président de l’association Solidarité copte, joint au téléphone par FRANCE 24. Et ça continue. Aujourd’hui [jeudi 15 août, NDLR], deux églises ont encore été mises à feu en Haute Égypte."
Soutien affiché du pope au général al-Sissi
Cette minorité chrétienne, qui représente 10 % de la population, a été régulièrement visée par des attaques au cours de ces dernières années. Elle n’a pas non plus été épargnée sous le règne de l’ex-raïs Hosni Moubarak, mais elle paye aujourd’hui le
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soutien affiché du chef de l’Église copte, le pope Tawadros II d’Alexandrie, à l’auteur du coup d’État le 3 juillet contre Mohamed Morsi, le général al-Sissi. "Évidemment les coptes payent le prix d'être solidaires avec tous les Égyptiens qui sont sortis dans les rues fin juin pour se débarrasser du régime violent et totalitaire des Frères musulmans", poursuit Adel Guindy.
À Sohag, dans le centre de l’Égypte, les rues sont silencieuses depuis mercredi. Marco, un ingénieur de 27 ans interrogé par l’AFP, décrit un "paysage de désolation", une "ville fantôme". "Les assaillants savaient où vivaient les coptes, témoigne-t-il. Ils scandaient des slogans pro-Morsi et portaient des bandeaux portant l’inscription ‘Frères musulmans’ autour du front". "Les gens sont effrayés, personne n’ose sortir", ajoute-t-il.
Le Maspero Youth Union, un mouvement de la jeunesse copte, n’a cessé de dénoncer les discriminations à l’encontre des chrétiens durant la présidence de Mohamed Morsi. Jeudi, un porte-parole du mouvement a accusé la confrérie des Frères musulmans d’attaquer la minorité chrétienne "sans raison et sans qu’ils n’aient commis aucun crime, excepté celui d’être chrétiens dans un pays dont l’une des factions politiques mène une guerre religieuse".
Chemin de l'exil
Les Frères musulmans, eux, accusent les autorités de "créer les violences confessionnelles comme l’avait fait [Hosni] Moubarak avant de tomber". Quelque 80 membres de la confrérie ont été arrêtés mercredi 14 août, ils doivent être déférés devant un tribunal militaire pour répondre notamment d’incendies d’églises.
Le gouvernement – installé par l’armée au lendemain du coup d’État – a réaffirmé qu’il "répondrait avec fermeté" à toute nouvelle attaque contre la communauté religieuse. Ces propos n’ont pas franchement rassuré les coptes d’Égypte : la plupart des attaques a lieu hors des grandes villes, où les forces de l’ordre sont peu nombreuses.
Les chrétiens d’Égypte ont d’ores et déjà pris le chemin de l’exil. De longues files de véhicules s’allongent devant le terminal des départs de l’aéroport du Caire. "On peut s’attendre à une nouvelle vague de départs de la communauté copte", estimait au lendemain de l’évacuation des sit-in pro-Morsi la correspondante de FRANCE 24 au Caire, Sonia Dridi.