L’interdiction du port de signes religieux à l'université, préconisée par le Haut conseil à l'intégration (HCI) selon une information du "Monde", n’est pas du goût de tous. Certains universitaires fustigent une "mauvaise idée".
Faut-il interdire le port du voile à l’université ? La question, hautement sensible, relancée par un article du "Monde" paru mardi 6 août qui dévoile un rapport du Haut conseil à l'intégration (HCI) à paraître en septembre, n’en finit pas de semer le trouble chez les universitaires.
Et le port de la bigoudène ?
Le rapport du HCI, qui dénonce les entorses faites au principe de laïcité dans plusieurs établissements sans jamais les nommer, préconise l'interdiction du port ostensible des signes religieux. "Mauvaise idée" a tout de go répliqué Jean-Loup Salzmann, président
Tweet posté le 6 août sur le compte Twitter de Jean-Loup Salzmann
Le port de la bigoudène doit-il être interdit dans les Universités ? Merci a K pic.twitter.com/GDc9NWaxPC
— Jean-Loup Salzmann (@JeanLoupSalzman) August 6, 2013de la Conférence des présidents d'universités (CPU). "Sur la forme, on ne traite pas un non-problème par une loi. Sur le fond, l'université, ce n'est pas l'école", s’est indigné le président du CPU.
"Les étudiants sont majeurs, ce sont des adultes et on ne peut limiter leurs libertés individuelles. Nous pensons que c'est un sujet qui nécessite de l'apaisement, de la discussion, et certainement pas une approche teintée d'islamophobie, comme celle du HCI", a-t-il fait valoir. Jean-Loup Salzmann estime, par ailleurs, il n'y a aucune aggravation de la situation dans les facs qui nécessite un tel rapport.
Et pour mieux enfoncer le clou, le président de la CPU pose la question sur son compte Twitter : "Le port de la bigoudène doit-il être interdit dans les universités ?"
Discriminant et illégal
La proposition du HCI est, par ailleurs, jugée discriminatoire à l'égard des musulmans et illégale selon Abdallah Zekri, président de l'Observatoire contre l'islamophobie. "La liberté d'expression reconnaît aux étudiants - par l'article 50 de la loi du 26 janvier 1984 - le droit d'exprimer leurs convictions religieuses à l'intérieur des universités, mais interdit d'exercer des pressions sur les autres membres de la communauté ou de créer des perturbations", avance-t-il.
La loi de 2004 qui porte sur l'interdiction du port de signes religieux ostentatoires dans les établissements secondaires ne concerne pas, en effet, l'enseignement supérieur. Le niqab et voile intégral y sont interdits, mais le foulard y est autorisé.
Un rapport encombrant
Jean-Loup Salzmann a assuré à l'AFP n'avoir "jamais demandé qu'on légifère contre le port du voile à l'université. Pour la bonne raison que nous ne sommes pas favorables à une loi". Et d’ajouter, "c'est en outre ce que nous avons écrit fin mars au Haut conseil à l'intégration".
Ce rapport que les universitaires dénoncent n’avait pas vocation à être rendu public immédiatement, selon le secrétaire général du HCI, Benoît Normand, interrogé par l'AFP. Il raconte que ce rapport avait été remis au président du nouvel Observatoire national de la laïcité, Jean-Louis Bianco, lors de sa création en avril. En tout état de cause, "ce rapport ne devait pas être communiqué avant la fin de l'année", a-t-il précisé.
De son côté, Jean-Louis Bianco a fait part de son "incompréhension" à l'AFP. "Ce rapport", a-t-il souligné, "n'engage que la mission laïcité du HCI qui n'est plus en fonction. [...] Cette question du port du foulard dans l'enseignement supérieur n'est pas à ce stade dans le plan de travail de l'Observatoire de la laïcité".
La proposition a peu de chance d’aboutir. Des députés de droite, à l'instar d'Hervé Mariton (UMP) qui ont voté la loi interdisant le port de la burqa, se disent opposés à l’idée d’une interdiction du port du voile à l’université. "Oui à la laïcité et oui au respect des convictions", a conclu le député de la Drôme sur France Inter.