Les Égyptiens mènent campagne contre le diplomate Robert Ford, annoncé, par la presse, comme le prochain ambassadeur américain au Caire. Ils accusent l'homme, en poste en Syrie jusqu'en 2011, de semer la discorde dans les pays où il officie.
Lors de son déplacement remarqué dans ville assiégée de Hama dans le centre de la Syrie en juillet 2011, les rebelles avaient accueilli Robert Ford avec des fleurs et des rameaux d’oliviers. Mais le diplomate américain qui, tôt dans le conflit, avait pris fait et cause pour la rébellion syrienne risque de ne pas recevoir le même accueil en Égypte où il pourrait bientôt être nommé. C’est en effet ce qu’a rapporté le "New York Times" lundi 5 juillet, selon qui le secrétaire d’État américain John Kerry a choisi ce fin connaisseur du Moyen-Orient pour prendre la tête de l’ambassade américaine au Caire.
"Il est responsable des massacres en Syrie." @3abdurra7maniac
#NoToRobertFord the American ambassador in Syria, the one responsible for the massacres there. We won't accept his presence in Egypt.
— فارس فرسان الجلاشة (@3abdurra7maniac) August 2, 2013Depuis, une véritable campagne contre Robert Ford est menée sur les réseaux sociaux. Sur Twitter, le hashtag #NoToRobertFord a ainsi fait son apparition en anglais et en arabe. "Nous refusons la venue de l’ambassadeur américain en Égypte", peut-on notamment lire sur le site de microblogging. "Attention Ford, si tu viens au Caire… tu vas rapidement rentrer chez toi", menace un autre internaute. Une union de syndicats a même publié un communiqué à l’intention du gouvernement égyptien afin qu’il refuse la nomination de Robert Ford au Caire.
Ces réactions ont de quoi surprendre : lorsqu’il était en poste à Damas, Robert Ford était fort apprécié de la rue syrienne. Diplomate de carrière, parlant couramment l'arabe et le français, Robert Ford a été nommé ambassadeur en Syrie en 2010. Il a dû quitter le pays en octobre 2011 pour raisons de sécurité, avant que Washington ne ferme sa représentation syrienne en février 2012. Ces derniers mois, Ford a été l'une des pièces maîtresses de la diplomatie américaine en Syrie. Il a notamment œuvré sans relâche pour aider et soutenir l'opposition au régime de Bachar al-Assad.
"Nous n'avons pas besoin de l'instrument de destruction d'Obama." @AymanMElewa
#NoToRobertFord we don't need #Obama 's tool of destruction
— حريه ... (@AymanMElewa) August 5, 2013La campagne de dénigrement sur les réseaux sociaux intervient après la publication d’un post sur un blog canadien, qui véhicule des thèses conspirationnistes, accusant Ford d’avoir formé des "escadrons de la mort" quand il était conseiller politique à l’ambassade américaine à Bagdad entre 2004 et 2006. Ces allégations ont été relayées par le quotidien égyptien Al Masry el Yom, sans qu’aucune preuve n’ait pu être apportée pour corroborer ces informations. Ce qui n’était qu’une rumeur a fait boule de neige sur les réseaux sociaux.
"L’architecte de la discorde"
Sur Twitter, les Égyptiens pointent notamment du doigt les situations de guerre civile que traversent les pays où Robert Ford a été en poste, l’Irak et la Syrie. L’expérience du diplomate chevronné, loin d’être un avantage, semble ainsi se retourner contre lui. "Quand Robert Ford entre dans un pays, il y amène les démons", dénonce en arabe sur Twitter ســـــــــــاندي @SandyA_A_. @Rababoush, elle, le qualifie d’ "architecte de la discorde en Syrie".
Les internautes égyptiens sont d’autant plus inquiets que leur pays vit une période de transition houleuse suite à la destitution, le 3 juillet dernier, du président Mohamed Morsi, issu des Frères musulmans. Les violences meurtrières entre pro et anti Morsi courant juillet ont fait craindre un embrasement du pays.
Face à cette situation pour le moins tendue, Washington réagit de façon trouble. Les États-Unis, principaux bailleurs de fonds de l'Égypte avec 1,5 milliard de dollars versés chaque année, dont 1,3 pour la seule armée, semblent en effet embarrassés par la crise que traverse leur principal allié arabe dans la région. Ainsi, le secrétaire d'Etat John Kerry a estimé il y a quelques jours que l'armée avait eu raison de renverser Morsi et qu’elle avait "rétabli la démocratie" après que des millions de personnes eurent manifesté pour réclamer son départ. Mais début juillet, au moment de la destitution de Mohamed Morsi par l’armée, l’administration américaine avait qualifié cet acte de "coup d’État".
Le manque de clarté de la position américaine a favorisé la confusion et le ressentiment de la population égyptienne à l’égard des États-Unis. Les pro-Morsi accusent Washington d’avoir soutenu le mouvement Tamarod à l’origine des manifestations massives contre le président déchu. Certains opposants sont en revanche convaincus que les États-Unis soutiennent les Frères musulmans.
La violente campagne contre Robert Ford pourrait donc n'être qu'une conséquence d’une dégradation des relations américano-égyptiennes, mises à mal par les récents évènements en Égypte. Pour l’heure, les Égyptiens s’agitent peut-être en vain : rien ne prouve encore que Robert Ford sera nommé au Caire. Ni le département d’État, ni Barack Obama, ni le Sénat (qui doivent approuver ces nominations) n’ont, depuis le 5 juillet, date de parution de l’article du "New York Times", confirmé cette information.