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Hélène, licenciée du jour au lendemain : "Au début, ça a été panique à bord"

À 38 ans, Hélène vient d’être licenciée et s’apprête à connaître la première période d’inactivité de sa vie. Entre démarches administratives et adaptation à son nouveau quotidien, elle craint que le plus dur soit à venir.

C'est une grande première pour Hélène L*. En quinze ans de carrière, cette graphiste de 38 ans n'a jamais été au chômage. Elle n'a même jamais vraiment rencontré de difficultés dans ses recherches d'emploi. “C'est la première fois que je dois pointer à Pôle emploi,” confie cette employée d'une agence web, brutalement licenciée le 30 avril dernier.

Ce jour-là, Hélène apprend, avec ses quinze collègues, que les locaux parisiens de son entreprise vont fermer. Sur le coup, elle confie avoir réprimé quelques larmes. Lors de son entretien préalable au licenciement, son supérieur l'a accueillie avec une blague de mauvais goût : “Bonjour, ceci est un entretien d'embauche !” lui a-t-il glissé.

Délocalisation

“Mon patron a eu connaissance de mauvais chiffres, cela ne lui a pas plu, il a donc décidé de fermer sur un coup de tête,” explique Hélène, amère. Un choc pour la jeune femme qui confie que trois semaines avant cette annonce “tout allait plutôt bien”. “Il parlait de développement et m’avait même acheté un ordinateur tout neuf.”

Pourtant, dans le courrier signifiant le licenciement, le gérant de l’entreprise invoque une “concurrence acharnée” et fait état de lourdes pertes financières au cours de l’année 2012 ainsi que d’une situation économique alarmante depuis début 2013. “On le soupçonne de nous faire un faux licenciement économique,” avoue la toute nouvelle chômeuse, expliquant notamment que son patron espérait au départ que les salariés acceptent des ruptures conventionnelles de contrat - sorte d’accord à l’amiable entre l'employeur et l'employé. “Son intérêt en faisant cela était de ne pas être fiché comme employeur à l’origine d’un licenciement économique. Car dorénavant, il risque d’être contrôlé dans le futur, il ne peut plus faire n’importe quoi,” explique Hélène.

L’homme en question n’en est pas à son coup d’essai. Auparavant à la tête de sites d’édition qu’il a revendus, il a fait faillite l’année dernière avec un site de services financiers. Malgré cela, le chef d'entreprise, lui, n'a pas tout perdu : grâce à des antennes à l'étranger, la société va pouvoir continuer ses activités à Barcelone. Un cas de figure assez courant parmi les entreprises qui délocalisent hors de France : selon l'Insee, sur les 4,2 % de sociétés (hors secteur financier) qui ont fermé leurs bureaux dans l'Hexagone entre 2009 et 2011, la plupart possède déjà des filiales à l'étranger.

“Un mal pour un bien” ?

Prise au dépourvu, Hélène a rapidement postulé à des offres, plus par peur de l'inactivité que par envie. “Dans un premier temps, ça a été panique à bord,” admet-elle.
 

La trentenaire prend alors conscience de l'état du marché : “il n'y a quasiment pas d'annonces, les candidats sont nombreux et les salaires bas. Dans tous les cas, je vais devoir revoir mes prétentions salariales à la baisse.” Après quelques entretiens peu concluants, elle décide de lever le pied et d'utiliser cette période d'inactivité pour se poser les bonnes questions. “C'est peut-être un mal pour un bien, l'occasion de faire autre chose,” se dit-elle désormais, tout en prévenant que son discours pourrait être tout autre dans quelques mois...

Chômage, mode d'emploi

Mais avant toute chose, Hélène a dû choisir : se lancer dans la création de sa propre entreprise et s'inscrire à la Nacre [Nouvel accompagnement pour la création et la reprise d'entreprise] quitte à ne percevoir que 57 % de son salaire brut, ou bien souscrire à un Contrat de sécurisation professionnelle [CSP], une formule adaptée aux cas de licenciement économique. Ce genre de licenciement, contrairement à une idée reçue en temps de crise, n'a représenté, en 2011, que 10,8 % des motifs d'arrivée au chômage.

Hélène choisit la sécurité avec le CSP, qui lui permet de conserver 80 % de son salaire brut pendant un an. Direction donc Pôle emploi. Pour cette passionnée de graphisme, ce nouveau statut de chômeuse est plein de mystère. “J'appelle souvent Pôle emploi, j'ai droit à des discours différents à chaque fois et, malgré ce qu'ils disent, ils ne me rappellent jamais. J'espère qu'ils me verseront mes indemnités dans les temps.”

“Peur de ne plus être protégée par un CDI”

En plus des démarches administratives, Hélène, qui vit seule, doit repenser son quotidien. “Psychologiquement, se retrouver au chômage, ce n’est pas simple. Je redoute le contrecoup, de sortir du rituel du travail, de ne plus aller au bureau tous les jours.” Sa semaine, elle l'organise désormais en fonction des déjeuners avec ses proches, de quelques tâches qu'elle effectue en tant que freelance et de ses démarches auprès de Pôle emploi. “J'ai déjà prévu d'aller courir plusieurs fois aussi,” confie-t-elle, plutôt rassurée que ses débuts de chômeuse tombent pendant l’été. “Le plus dur, ce sera en septembre.”

D'ici là, elle prévoit de se renseigner sur la manière de créer son entreprise. “J'ai déjà commencé à y réfléchir, j'ai pris contact avec une avocate, “ indique-t-elle. “L'idéal serait d'être dans un bureau avec du monde, car je ne me vois pas enfermée chez moi toute la journée,” se projette-t-elle, avant d'avouer “ça me fait peur de ne plus être protégée par un CDI."

*Le prénom a été modifié.