![Algérie : une mémoire en morceaux Algérie : une mémoire en morceaux](/data/posts/2022/07/18/1658149329_Algerie-une-memoire-en-morceaux.jpg)
Alger, le 30 septembre 1956. Au Milk Bar, un attentat du FLN fait basculer la vie de Danielle. Amputée d’une jambe, elle déménage en France. Après une cinquantaine d'années, celle qu’on appelait "la petite Dany du Milk Bar" revient pour la première fois sur les lieux qui ont marqué son enfance. Adel Gastel l'a accompagnée.
"Ne m'appelez plus Dany", insiste-t-elle. "Je m'appelle Danielle, Dany est un morceau !" Ceux qui ont connu la guerre d'Algérie se souviennent pourtant de la "petite Dany du Milk Bar". Le 30 septembre 1956, une bombe du FLN (le Front de libération nationale) explose et lui arrache une jambe. Elle avait cinq ans. Sa grand-mère Éléonore est tuée dans l'attentat.
Une cinquantaine d'années plus tard et alors que l’on vient de célébrer le cinquantième anniversaire de la fin de la guerre d'Algérie, Danielle Michel-Chich a accepté de retourner sur les lieux de son enfance.
Dans le quartier populaire de Soustara, à Alger, les noms des rues ont changé et portent désormais les noms d’Algériens tombés pour l'indépendance. "C'est ici que j'ai réappris à marcher", se souvient Danielle en voyant une descente piétonne. "Après ma sortie d'hôpital, le prothésiste a appris à ma mère la formule talon-pointe qu'elle me répétait…"
Danielle arrive enfin devant le numéro 5 de la rue de Nuits, aujourd'hui rue Yataghène. Elle hésite : qui habite dans l'immeuble aujourd’hui ? Comment va-t-elle être reçue ? Dans l'obscurité des escaliers, les souvenirs remontent. Des Algériennes de sa génération lui ouvrent leurs portes. Émue, Danielle revoit les ombres de ses parents et de sa grand-mère Éléonore déambuler dans l'appartement.
Il est temps d'aller au cimetière de Bologhine, Saint-Eugène autrefois. Éléonore est enterrée là-bas, dans le carré juif. Danielle ne sait pas où précisément. Le gardien du cimetière non plus. Retrouver une tombe abandonnée depuis plus d'un demi-siècle n'est pas tâche facile. Des arbustes couvrent le cimetière et les pierres tombales sont parties en morceaux, comme ces morceaux de mémoire que Danielle tente de recoller. Elle ne trouve pas la tombe d'Éléonore, mais celle de son frère, "l'oncle Prosper".
"Nous aurions dû tous pleurer", soupire Danielle, persuadée que Français et Algériens auraient dû faire le deuil de cette histoire commune pour avancer. Danielle quitte le cimetière et Brahim, le gardien, lui promet de poursuivre les recherches. Promesse tenue. Brahim a retrouvé la pierre tombale d'Éléonore Chich.