
Depuis la chute de Mohammed Morsi, la région désertique du Sinaï connaît un regain de tension. Vendredi, un policier a été tué lorsque des hommes armés ont attaqué à la grenade un point de contrôle. Éléments d'explication.
Un groupe d’hommes armés a attaqué vendredi 12 juillet à la grenade un point de contrôle de la police dans le Sinaï, tuant un policier égyptien. Selon des responsables de la sécurité, c’est un véhicule blindé de la police qui était visé par l’attaque. Ces évènements sont les derniers d’une longue série de violences qui, jour après jour, se succèdent loin des manifestations des grandes villes égyptiennes.
Ainsi un poste de police a été attaqué ces derniers jours dans la ville d'El-Arish par des hommes armés, ont indiqué les responsables de la sécurité. Les agressions visent également des coptes. L’un d’entre eux a été retrouvé mort après avoir été décapité, jeudi 11 juillet dans cette région, plusieurs jours après son enlèvement par des hommes armés. D'après une source de sécurité, il avait été enlevé par des "groupes extrémistes" samedi dernier, le jour même où un prêtre copte a été tué par des hommes armés.
Un refuge pour les islamistes
Depuis la destitution du président islamiste Mohamed Morsi le 3 juillet dernier, les attaques se sont multipliées dans la partie de la péninsule du Sinaï frontalière avec la bande de Gaza et Israël. Réputée pour être poreuse et échapper quelque peu au pouvoir central égyptien, le nord de la péninsule du Sinaï était déjà le théâtre de problèmes de sécurité récurrents depuis le renversement du régime d'Hosni Moubarak début 2011.
Pour Eberhard Kienle, directeur de recherche au CNRS et spécialiste du Moyen-Orient, "au Sinaï se pose un problème endémique, qui remonte à longtemps, bien avant même l’ère d’Hosni Moubarak". "Depuis toujours, le contrôle du pouvoir central égyptien sur cette région, difficile d’accès, était précaire", poursuit-il. Désertique, la région du Sinaï est principalement peuplée par des populations tribales. "Dans ces sociétés, les rapports sociaux sont très forts, c’est pourquoi ce sont des populations qui se mobilisent facilement", explique le chercheur. "Les habitants du Sinaï ont toujours eu l’impression d’être délaissés par des gouvernements dont les préoccupations sont toujours ailleurs et cela a créé un fort mécontentement", continue Eberhard Kienle.
Il explique que les habitants de la région "ont permis à des groupes islamistes armés de s’y installer". "Souvent ces derniers avaient fui d’autres zones d’Égypte plus peuplées où il y a une plus forte présence de la police et de l’armée", remarque-t-il.
La partie nord de la péninsule du Sinaï, qui fait frontière avec la bande de Gaza et la Palestine, est ainsi devenue un refuge pour les militants islamistes qui ont mené de nombreuses attaques contre les forces de sécurité égyptiennes et Israël. Eberhard Kienle observe que toutefois les violences "s’exacerbent lorsque le pouvoir au Caire est vacant ou qu’une crise politique se profile en Égypte".
Les craintes d'Israël
En août 2012, 16 garde-frontières égyptiens avaient ainsi été tués dans une attaque attribuée à des extrémistes islamistes. Pour rétablir l’ordre, le gouvernement de Mohamed Morsi n’avait alors pas hésité à lancer une opération militaire d’ampleur. Elle avait marqué le retour de l’armée égyptienne dans cette zone démilitarisée depuis 1973, date à laquelle a eu lieu la guerre du Kippour.
La présence d’Israël aux frontières du Sinaï constitue un enjeu de taille pour l’Égypte qui veut à tout prix éviter de mettre à mal les accords de paix entre les deux pays. "L’État hébreu craint que le Sinaï ne serve de base arrière à des islamistes qui mèneraient des attaques sur son territoire comme cela a déjà été le cas", explique Eberhard Kienle. Interrogé en août 2012, Alexandre Buccianti, le correspondant de FRANCE 24 au Caire, expliquait qu’"Israël se plaignait beaucoup du fait que la région étaient devenue une zone de non-droit et que les extrémistes y faisaient ce qu’il voulaient". En 2012, plusieurs attaques avaient été menées contre Israël, coûtant la vie à des Israéliens. Et quand l’armée était intervenue en août, malgré l’entorse au traité de paix, les autorités israéliennes avaient salué les efforts de l’Égypte pour maintenir la paix dans le Sinaï, dont la stabilité "est la responsabilité de l’Égypte", selon le ministère de la Défense israélien.
Reste qu’à l’heure actuelle l’insécurité n’est pas prête de diminuer. Les autorités égyptiennes sont occupées à la formation d’un gouvernement et ne semblent pas en mesure de décider d’une nouvelle action musclée dans la région. Par ailleurs, la chute de Mouammar Kadhafi en Libye a eu pour conséquence de provoquer une recrudescence du trafic d’armes dans une zone déjà connue pour cela.