Depuis plus de dix jours, le régime laisse entendre qu'il concentre ses efforts sur Homs. La communauté internationale focalise ainsi son attention sur le sort de la ville. Mais sur le terrain, c'est à Alep que les combats sont les plus violents.
Plus d’un an après la reprise du quartier de Baba Amr par les forces gouvernementales, fin février 2012, Homs, surnommée "la capitale de la révolution", est de nouveau sous le feu des bombes. Depuis une dizaine de jours, l’armée syrienne pilonne sans relâche les quartiers de Homs encore tenus par les rebelles, dans le but de contrôler entièrement la troisième ville de Syrie, située au centre du pays, sur l’axe stratégique qui relie Damas au littoral.
"La campagne impitoyable contre Homs est entrée lundi dans son dixième jour. Les forces du régime ont pénétré dans plusieurs secteurs de Khaldiyé [au centre de Homs, NDLR] après de violents bombardements et en utilisant la tactique de la terre brûlée", a expliqué à l’AFP via Skype Abou Hilal, un militant anti-régime résidant dans ce quartier de la vieille ville aux mains des rebelles. Selon lui, il s’agit de l’offensive la plus violente qu’a connue la ville depuis le soulèvement contre Bachar al-Assad en mars 2011.
"La situation est la même qu'à Qousseir", a-t-il expliqué, faisant référence à une autre ville de la province de Homs, frontalière du Liban, reprise par le régime le 5 juin, à l'issue d'une violente offensive des troupes de Bachar al-Assad, très médiatisée.
Pour Fabrice Balanche, spécialiste de la Syrie et directeur du Groupe de recherches et d’études sur la Méditerranée et le Moyen-Orient (Gremmo), la situation est en effet comparable à celle de Qousseir : "Il s’agit d’une bataille hautement symbolique que le régime est sûr de remporter". Sauf que cette fois, estime-t-il, "le régime ne prend pas le risque d’envoyer ses troupes dans les labyrinthes urbains que constituent les quartiers du vieux Homs, et bombarde intensivement avant de s’engager au sol". De surcroît, "si le régime parvient à remporter la totalité de la ville de Homs, ce sera un sacré camouflet pour les rebelles, pire que la chute de Qousseir", assure le chercheur.
Homs au cœur de l’actualité
Cette fois encore, l’agence officielle et la télévision syrienne ne manquent pas de faire état des avancées des soldats sur le front de Homs.
Après Qousseir, c’est donc désormais Homs qui est au cœur de l’actualité et des préoccupations de la communauté internationale. "Nous demandons à la communauté internationale de répondre à ces atrocités et d'utiliser ses pleines capacités pour protéger le peuple syrien des actes criminels du régime de Bachar al-Assad", ont déclaré samedi depuis Istanbul les membres de la Coalition peu après l’élection de leur nouveau président, Ahmad Assi Jarba.
De son côté, la commissaire aux droits de l'Homme de l'ONU Navi Pillay s'est dite vendredi "très inquiète" des conséquences de l'assaut des troupes du régime sur la ville. Quelques jours auparavant, le 2 juillet, le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon avait appelé à l’établissement de couloirs humanitaires pour permettre l’évacuation les quelque 2 500 civils pris au piège dans les quartiers tenus par les rebelles.
Reste que, contrairement à ce que l’on pourrait penser, le secteur tenu par les rebelles se limite à 2 km2 alors que la ville s'entend sur 40 km2. "C’est essentiellement le quartier de Khaldiyé et ses abords qui sont concernés par les bombardements, et non pas toute la ville", assure Fabrice Balanche, rappelant par ailleurs que quartier est encerclé par les forces de Bachar al-Assad depuis février 2012.
Alep, une bataille de longue haleine
Mais pourquoi le régime insiste-t-il sur Khaldiyé, alors que dans le même temps, d’intenses combats font rage à Alep, la grande métropole du nord du pays ? Après avoir repris Qousseir début juin, le régime avait en effet annoncé le début de la bataille d’Alep. Mais rapidement, les informations sur ce front se sont faites plus rares.
Pourtant selon des habitants des quartiers du nord-ouest d’Alep contactés par FRANCE 24, la situation y est dramatique. La ville est encerclée à la fois par l’armée et par les rebelles, certains quartiers subissent des déluges de roquettes et de bombes. Par ailleurs, la ville manque cruellement d’eau et d’électricité, et le prix des denrées alimentaires ne cesse d’augmenter. Sur Facebook, nombre d’habitants de la ville se plaignent de "l’oubli"dont ils font l’objet. "Nous appelons à l’aide mais qui nous écoute ?", s’interroge notamment l’un d’eux.
Pour autant, Fabrice Balanche explique que le pouvoir syrien reste déterminé à reprendre Alep, "indéniablement le morceau le plus difficile". "Mais c’est une bataille de longue haleine, qui risque bien de s’éterniser durant de long mois, car toute la campagne environnante est aux mains des rebelles", explique-t-il.
Pour le chercheur, ce déséquilibre dans la communication est stratégique. "Le régime cherche les victoires symboliques, Khalidyé est un fief rebelle par excellence", explique Fabrice Balanche. "Il communique intensivement sur ce qu’il pense être sûr de remporter à court terme", poursuit-il. Le chercheur s’attend d’ailleurs à ce que la reprise du quartier de Khaldiyé coïncide avec les festivités de la fin du ramadan, ce qui rendra la victoire encore plus éclatante pour les forces loyalistes.