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Les familles des moines de Tibéhirine réclament toujours justice

Alors que l’enquête sur l’assassinat des sept moines trappistes enlevés en mars 1996 piétine, leurs proches réclament une fois de plus l’intervention du président français François Hollande afin de "lever les entraves" à l’enquête en Algérie.

"Nous voulons que toute la vérité soit faite". Au lendemain de l’envoi d’une lettre ouverte au président François Hollande, la porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem, a tenté mercredi de rassurer les familles des moines de Tibéhirine enlevés et assassinés en mars 1996 en Algérie.

"Concernant l'assassinat des moines de Tibéhirine, la position de la France, c'est tout simplement que nous voulons que toute la vérité soit faite avec, si besoin, un certain nombre de coopérations qui doivent s'établir entre l'enquête menée par la justice française et puis celle de la justice algérienne, qui travaille évidemment en toute indépendance", a insisté Najat Vallaud-Belkacem en précisant que " toute coopération sera bienvenue sur ce sujet pour enfin faire la vérité.

Dans ce courrier rédigé par leur avocat Patrick Baudouin et dont "Le Figaro"  a publié de larges extraits mercredi, les familles des sept moines jugent "indispensable, pour continuer à progresser dans la recherche de la vérité, d'accomplir divers actes en Algérie". Ainsi demandent-elles au président Hollande "d'intervenir à nouveau afin de lever les entraves apportées à la poursuite de l'instruction" du juge français Marc Trévidic.

La mission du juge français Trévidic rendue impossible

Le 13 décembre 2012, à la veille de son voyage officiel en Algérie, le chef de l’État avait déjà été interpellé par les familles de victimes pour qu’il insiste auprès des autorités algériennes afin que l’enquête du juge français antiterroriste Marc Trévidic puisse enfin avancer. Car la commission rogatoire internationale délivrée en décembre 2011 par le magistrat à Alger pour se rendre sur place est toujours restée lettre morte.

Le juge Trévidic réclame notamment l’autorisation de procéder à des interrogatoires mais aussi à l'autopsie des têtes retrouvées le 30 mai au bord d'une route de montagne, près de Médéa, à l’est d’Alger. Seuls des examens médicaux-légaux pourraient permettre de déterminer les causes du décès des frères Christian, Christophe, Michel, Celestin, Luc, Bruno et Paul : la décapitation ou la mort par balles.

"Du côté algérien, il va sans dire qu'aucune action sérieuse n'a été entreprise pour faire la lumière sur ces assassinats", affirment ainsi les familles dans ce dernier appel lancé à François Hollande. Il est "devenu indispensable, pour continuer à progresser dans la recherche de la vérité, d'accomplir divers actes en Algérie (…)" afin "d'une part, de procéder à certaines auditions et, d'autre part, de faire enfin pratiquer une autopsie des têtes des moines. Toutes les familles de ces derniers ont donné au juge leur accord pour que les autopsies puissent être réalisées", ajoute encore le courrier de Me Baudouin tout en soulignant que "plus le temps passe, plus les chances s'amenuisent de pouvoir obtenir un résultat".

Lassés par l’inertie des autorités algériennes, les proches des sept moines trappistes enlevés dans leur monastère de Tibéhirine, dans la nuit du 26 au 27 mars 1996, réclament donc une nouvelle fois que cesse "la résistance des autorités algériennes à une collaboration réelle et positive avec la justice française".

Une affaire "qui embarrasse les deux gouvernements"

Pour le père Armand Veilleux, procureur général des cisterciens en 1996, interrogé par "Le Figaro", les autorités algériennes ne sont pas les seules en cause. "Côté français, certains n'ont pas envie non plus de revenir sur les tensions et les court-circuitages ayant opposé l'ex-DST à la DGSE [Direction de la surveillance du territoire et la Direction générale de la sécurité extérieure]. Tout semble mis en œuvre pour que cette affaire, qui embarrasse les deux gouvernements, subisse un enterrement de première classe", affirme-t-il.

Malgré la revendication du Groupe islamique armée (GIA) de Djamel Zitouni, longtemps soupçonné d'avoir été un agent infiltré des services algériens, la thèse islamiste est aujourd’hui largement remise en cause par le juge Trévidic. Depuis 2009, l'enquête judiciaire a été réorientée vers une bavure de l'armée algérienne. L’absence de dépouilles pour déterminer les causes de la mort des sept moines, mais aussi le témoignage d'un ancien attaché de défense à l'ambassade de France à Alger ont largement étayé cette thèse.

Les familles seront-elles convaincues par la réponse de Najat Vallaud-Belkacem ? Rien n’est moins sûr. Le 28 janvier, dans un courrier adressé à Me Baudouin, le chef de l’État français avait assuré qu’il veillerait "personnellement au développement" de la "coopération" affirmée par le président Bouteflika. Mais depuis, le dossier est toujours au point mort.