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En annonçant le démantèlement de l’audiovisuel public, le Premier ministre grec, Antonis Samaras, a provoqué l’effroi des Grecs, et l’embarras profond de Bruxelles. Au point que, selon certains médias, les jours de l’actuel gouvernement sont comptés.

Le gouvernement grec serait-il en sursis ? Le Premier ministre conservateur, Antonis Samaras, a secrètement organisé le démantèlement de l’audiovisuel public (l’ERT : trois chaînes de télévision, sept radios nationales, 19 régionales et une internationale), un groupe qui existait depuis 1938.

La décision, annoncée de façon brutale et sans concertation avec les deux autres composantes de la coalition qui l’ont porté au gouvernement il y a un an, a provoqué un tollé à travers le pays. Jeudi 13 juin, environ 12 000 personnes manifestaient à Athènes et Salonique. La veille, au lendemain de l’arrêt des programmes du groupe, des milliers de personnes, des employés, des citoyens lambda et des personnalités du monde culturel et politique, ont bravé la pluie pour se réunir devant le siège de la radiotélévision hellénique. En réaction, deux des principaux syndicats ont décrété en urgence une grève générale de 24 heures, qui a débuté ce jeudi.

Parallèlement, en solidarité avec les 2 652 employés du groupe licenciés du jour au lendemain, toutes les chaînes privées d’information ont débuté mercredi une grève de l’information, contraignant Antonis Samaras à s’expliquer sur… une chaîne Internet pirate, bricolée par les anciens d’ERT. Un comble.

Dissensions au sein de la coalition

"C’est Samaras qui doit être licencié, pas les employés de l’ERT", proclame une banderole brandie jeudi devant le siège de l’audiovisuel public. Mais le chef du gouvernement campe sur ses positions. Pour lui, la dissolution de l’ERT, "un foyer de privilèges, d’opacité et de gaspillage", est nécessaire. Le groupe sera remplacé par une autre structure d’ici quelques semaines ou quelques mois, assure-t-il.

Pourtant, la décision d’Antonis Samaras est loin de faire l’unanimité tant au sein de sa propre coalition que dans les pays de l’Union européenne (UE). En Grèce, les socialistes et la gauche modérée, membres du gouvernement, ont appelé à une réunion "tripartite" pour trouver "une solution" au désaccord sur la fermeture brutale de la radiotélévision publique.

Le chef de file des socialistes, Evangélos Vénizélos, et le leader de la gauche modérée, Fotis Kouvélis, qui ont assuré n’avoir pas ratifié l’acte législatif signant la mort de l’ERT, ont ainsi appelé à sa réouverture. Ils ont néanmoins admis la nécessité d’une restructuration du groupe qui s’est forgé, au fil des années, une solide réputation d’antre du clientélisme et de la mauvaise gestion.

"C'est inacceptable que l'ERT soit fermée", a réagi mercredi Fotis Kouvélis. Les deux dirigeants politiques ont également insisté sur la nécessité, pour le gouvernement, de continuer "sa tâche de faire sortir le pays de la crise", mais sur des bases de "bonne foi" et de consensus.

La Commission européenne embarrassée

Car, à l’instar des deux responsables politiques, nombre de Grecs suspectent Samaras d’avoir, en licenciant près de 2 700 salariés de la fonction publique, voulu satisfaire à moindre frais les exigences de la Troïka, les créanciers publics de la Grèce (UE, FMI, Banque centrale européenne). Athènes avait ainsi promis de licencier d’ici fin juin 4 000 fonctionnaires "ne donnant pas satisfaction".

À Bruxelles, la gêne est palpable. Alors que parmi les Vingt-Sept, nombre de personnalités politiques ont fait part de leur indignation, la Commission européenne s’est fendue d’un communiqué embarrassé dans lequel elle assure que la dissolution de l’ERT s’inscrivait dans "le contexte des efforts considérables et nécessaires que les autorités prennent pour moderniser l’économie grecque". Et Bruxelles de nuancer : le service audiovisuel public occupe "une place essentielle dans la démocratie européenne". Des arguments que brandissent depuis hier les manifestants protestant contre l’arrêt des programmes de l’ERT.

En prenant une telle décision, Antonis Samaras met son poste en jeu et effectue, selon le premier quotidien grec Ta Nea, "une acrobatie dangereuse" : "Le gouvernement va-t-il devoir organiser de nouvelles élections alors que la coalition, en place depuis à peine un an, a mis fin à plusieurs mois de troubles politiques ?", s’interroge le journal. Pour "Kathimerini", publication conservatrice de centre-droit, si le gouvernement ne trouve pas de solution d’ici une semaine, de nouvelles élections seront inévitables.