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Les forces d'Assad utilisent des armes chimiques, selon "Le Monde"

Deux reporters du quotidien français, qui viennent de passer deux mois en Syrie, ont pu constater l'usage d'armes chimiques contre les rebelles. Un témoignage publié lundi dans les colonnes du "Monde".

Leur diffusion n’est pas "massive" mais seulement "occasionnelle" et "localisée". L'usage d'armes chimiques par l'armée de Bachar al-Assad en Syrie a été constatée par une équipe du journal "Le Monde" présente dans la région de Damas pendant deux semaines, affirme le quotidien français dans son édition datée de mardi. Accompagnés de rebelles syriens, le journaliste et le photographe du "Monde" ont recueilli de nombreux témoignages dans le faubourg de Jobar, "à moins de 500 mètres de la place des Abbassides", non loin du centre de la capitale syrienne. Ce bastion est sous contrôle des rebelles depuis janvier dernier.

Omar Haidar, responsable opérationnel de la brigade Tahrir Al-Sham (Libération de la Syrie), décrit le bruit des obus utilisés pour disséminer les gaz comme "une canette de Pepsi qui tomberait par terre". Aucune odeur ou fumée… Rien ne permet aux rebelles de savoir qu’ils viennent d’être exposés à un quelconque produit chimique. Seuls les symptômes permettent ensuite de comprendre ce qui se dessine sous leurs yeux. "Les hommes toussent violemment. Les yeux brûlent, les pupilles se rétractent à l'extrême, la vision s'obscurcit. Bientôt surviennent les difficultés respiratoires, parfois aiguës, les vomissements, les évanouissements", raconte "Le Monde".

"Les gens qui arrivent ont du mal à respirer. Ils ont les pupilles rétractées. Certains vomissent. Ils n'entendent plus rien, ne parlent plus, leurs muscles respiratoires sont inertes. Si on ne traite pas de toute urgence, c'est la mort", confie le docteur Hassan O., confronté à de nombreux patients de ce type.

"Au cours d'un reportage de deux mois dans les environs de la capitale syrienne, nous avons réuni des éléments comparables dans une couronne beaucoup plus large. La gravité des cas, leur multiplication, la tactique d'emploi de telles armes montrent qu'il ne s'agit pas de simples gaz lacrymogènes utilisés sur les fronts, mais de produits d'une autre classe, bien plus toxiques", selon les deux journalistes.

Le photographe du "Monde" lui-même atteint

"Le Monde" rapporte notamment que, à la suite d'une "attaque chimique sur une zone du front de Jobar, le 13 avril", son photographe "souffrira, quatre jours durant, de troubles visuels et respiratoires".

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Dr Hassan, directeur d'un hôpital à Kfar Battna en Syrie

Sur le front, les moyens de protection sont dérisoires, voire disproportionnés. Alors que les rebelles utilisent des masques à gaz ou de simples masques chirurgicaux pour se protéger, les forces de Bachar al-Assad sont équipées de "combinaisons de protection chimique".

Quant au gaz utilisé, il pourrait s’agir de gaz sarin, selon les témoignages recueillis par le quotidien. Des prélèvements ont été réalisés et envoyés à l’étranger par des médecins syriens afin de déterminer les armes chimiques dont il s’agit.

Les "éléments matériels" ne bousculent pas la diplomatie

Le reportage du journal "Le Monde" vient s’ajouter aux déclarations successives de plusieurs pays indiquant l'utilisation d'armes de ce type. Depuis plusieurs semaines, les États-Unis, la Turquie et Israël ont ainsi déclaré posséder des "éléments matériels", mais sans indiquer la nature exacte de leurs preuves. Les Nations unies ont déclaré, mercredi 22 mai, recevoir des "informations croissantes" sur l'usage d'armes chimiques en Syrie, dont les deux camps s'accusent. Si l’ONU a déjà formé une commission d'experts pour enquêter sur le sujet, elle attend d'être autorisée à se rendre sur place.

Pour Barack Obama, l’usage d'armes chimiques a toujours été considérée comme une "ligne rouge" à ne pas franchir par le régime syrien, sous peine d'une réaction des États-Unis. En attendant des "preuves irréfutables", le secrétaire d'État américain John Kerry et le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, se retrouvent à Paris ce lundi pour un "dîner de travail" avec leur homologue français, Laurent Fabius. Ensemble, ils doivent préparer la prochaine conférence internationale sur la Syrie prévue en juin, à Genève.