à Papeete – Oscar Temaru, le leader du parti indépendantiste, est rentré samedi de New York où il a assisté au vote de l'ONU plaçant la Polynésie française sur la liste des territoires à décoloniser. Une foule était venue l’accueillir. Reportage.
Tee-shirts, banderoles, drapeaux, couronnes de fleurs prêtes à être mises autour du cou… Le bleu, couleur des indépendantistes, était de rigueur samedi 18 mai au soir sur le tarmac de l’aéroport de Papeete. Oscar Temaru, le leader indépendantiste polynésien, fraîchement revenu de New York où il a assisté au vote de l’ONU sur l’autodétermination de la Polynésie, a été accueilli comme un véritable héros. Près de 3 000 personnes étaient venues l’attendre à la descente de l’avion.
17 mai 2013 : L’Assemblée générale des Nations unies adopte par consensus la résolution affirmant le droit de la Polynésie à l’autodétermination et réinscrivant le pays sur la liste des pays à décoloniser.
1er avril 2013 : Oscar Temaru écrit une lettre à François Hollande, l’appelant à cesser l’obstruction du dossier et faire de la résolution "une réussite commune".
7 février 2013 : Les îles Salomon, Tuvalu et Nauru déposent la résolution sur la réinscription de la Polynésie au secrétariat général de l’ONU, ce qui assure l’examen du texte en Assemblée générale de l’ONU.
4 janvier 2013 : François Hollande, interrogé sur la réinscription de la Polynésie, répond : "Quand la République est présente, pourquoi s’en séparer ?"
6 août 2012 : L’Église protestante ma’ohi, une des principales confessions religieuses de la Polynésie, se positionne clairement pour la réinscription du pays sur la liste des pays à décoloniser.
18 août 2011 : L’Assemblée de Polynésie française vote la résolution affirmant le droit de la Polynésie à l’autodétermination, ce qui offre à Oscar Temaru la légitimité pour porter le texte devant les pays membres de l’ONU.
Sous les applaudissements et les acclamations du public, un homme au micro a même lancé un "Oscar, président". Une véritable haie d’honneur, composée de danseuses tahitiennes, s’est ensuite formée autour du héros du jour, visiblement ému par tant d’attention, jusqu’à sa voiture.
Il faut dire que le moment est historique : le leader se bat depuis plus de trois décennies pour que la Polynésie réintègre la liste de l’ONU des pays à décoloniser. "Content d’être de retour, a-t-il soufflé dans la bousculade. Enfin ! L’aboutissement, 35 ans après. Maintenant, c’est quelque chose de providentiel. Jusqu’à la dernière minute, on ne savait pas encore l’issue", a-t-il eu à peine le temps de dire avant d’être happé par les caciques du parti UPLD qui l’emmenaient saluer son public dans l’aéroport.
En adoptant la résolution L56 demandant la décolonisation du territoire, l’Assemblée générale des Nations unies a relancé une question ancienne - et sensible - puisque la Polynésie avait été retirée de la liste des pays à décoloniser en 1947. Le vote, vendredi 17 mai, d’une résolution à l’ONU affirmant le droit de la Polynésie à l’autodétermination est donc une victoire pour les indépendantistes qui souhaitent poursuivre le combat afin d’obtenir l’indépendance de l’archipel du Pacifique.
"Un droit qu'on ne peut pas acheter avec tout l'or du monde"
"Aujourd’hui, nous avons un arbitre qui s’appelle l’ONU dans les relations qu’on pourra avoir avec notre puissance administrante, la France", a expliqué Moetai Brotherson, un des responsables du parti indépendantiste UPLD. "Il ne s’agit pas pour nous d’exclure notre colonisateur historique, qui est aujourd’hui notre partenaire historique", a-t-il toutefois nuancé.
Le gouvernement français, pourtant, a vu rouge après la décision de l’ONU. François Hollande a toujours été clair à ce sujet : "Quand la République est présente, pourquoi s’en séparer ?", a-t-il déclaré. Des propos qui n’ont pas fait fléchir Oscar Temaru : "Vous savez, le droit d’un peuple, ça n’a pas de prix, ça ne s’achète pas […]. La France devrait avoir une autre attitude vis-à-vis de nous qui revendiquons ce droit depuis toujours. C’est un droit inaliénable. C’est un droit qu’on ne peut pas acheter avec tout l’or du monde".
La prochaine étape pour les indépendantistes est de réussir à conclure des accords avec la France - à l’image de la Nouvelle-Calédonie avec les accords de Matignon en 1988, puis ceux de 1998, dont l’histoire a toujours été l’exemple à suivre pour Oscar Temaru - afin de mettre en place le processus d’autodétermination et donc un référendum sur l’indépendance.
Mais le chemin risque d’être encore long. Le 5 mai, l’opposant historique d’Oscar Temaru, Gaston Flosse, a été réélu à la présidence de la Polynésie française. Le leader du parti Tahoeraa Huitaatira a toujours réfuté l’idée d’indépendance, militant pour un statut d’autonomie dans la République française. Les partisans de Gaston Flosse voient d’ailleurs dans la victoire de leur leader la preuve que les Polynésiens ne veulent pas de l’indépendance mais souhaitent rester dans le giron de la France.