Le gouvernement est obligé d’importer en urgence 50 millions de rouleaux de papier toilette afin de faire face à une situation inédite de pénurie. Un épisode qui démontrerait, pour certains, les limites du système économique vénézuélien.
Panique au Venezuela : le pays est à court de papier toilette. L’information, certes saugrenue et de prime abord anecdotique, a pris ces derniers jours les proportions d’une mini-affaire d’État au pays de la révolution bolivarienne. Le gouvernement vénézuélien a annoncé l’importation en urgence de 50 millions de rouleaux de papier toilette pour soulager la population. Car sur place, la situation ne fait guère sourire les Vénézuéliens.
“J’ai 71 ans, je viens de vendre mon dernier rouleau et je n’ai jamais connu ça de toute ma vie”, se plaint au quotidien "The Guardian" Manuel Fagundes, un marchand de Caracas. Des journalistes de l'agence de presse américaine Associated Press se sont rendus dans un supermarché de la capitale pour se rendre compte de l’ampleur du problème. “Ça fait deux semaines que je cherche sans succès des rouleaux”, leur a raconté Cristina Ramos, une cliente du lieu.
Pour expliquer cette pénurie, plusieurs thèse s’affrontent. Le gouvernement a ressorti la rhétorique du complot chère à feu le président Hugo Chavez. Il s’agirait pour le ministre du Commerce, Alejandro Fleming, d’une “campagne médiatique inspirée par les forces anti-gouvernementales qui vise à déstabiliser le pays en créant une demande excessive” de papier toilette.
Aux États-Unis, ultra-libéraux et conservateurs - tels que la chaîne Fox ou le site Internet FrontPage - se sont jetés sur l’affaire pour y voir une preuve de l’échec du “socialisme vénézuélien”. La raison de cette inconfortable situation incombe au contrôle exercé par l’État sur l’économie et plus précisément au système de contrôle des prix.
Économiquement peu rentable
“Au Venezuela, le prix des biens de première nécessité est plafonné afin que tout le monde puisse y avoir accès malgré la forte inflation qui frappe le pays”, rappelle à FRANCE 24 Christine Rifflart, spécialiste de l’économie de l’Amérique latine à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Problème : importer du papier toilette, qui n’est pas fabriqué au Venezuela en quantité suffisante, coûte 50% plus cher aujourd’hui qu’en janvier à cause de l’évolution du taux de change entre le bolivar et le dollar. Du coup, les entreprises trouvent économiquement peu rentable de s’en procurer sachant qu’elles ne peuvent, à cause du contrôle étatique, répercuter cette hausse sur le prix final de vente.
En tentant d’aider les plus pauvres, le gouvernement du président Nicolas Maduro est-il en train de priver tout le monde de biens de première nécessité ? La thèse des conservateurs américains est un peu simpliste pour Christine Rifflart. “Lorsqu’un pays connaît une inflation de 25% par mois, instaurer un contrôle des prix sur certains biens est une nécessité sinon les plus pauvres se retrouveraient privés de tout”, affirme-t-elle.
L’épisode papier toilette serait, d’après cette économiste, plutôt un révélateur des limites du modèle économique d’Hugo Chavez. Ou plutôt de l’absence de modèle économique. “Hugo Chavez s’est entièrement reposé sur la manne pétrolière et n’a eu aucune politique industrielle pour diversifier l’économie vénézuélienne”, souligne Christine Rifflart. Conséquence : le pays est obligé d’importer des biens même les plus basiques qui ne sont pas produits en suffisamment grand nombre sur place. Il y a ainsi eu, ces derniers mois, non seulement une pénurie de papier toilette, mais aussi de lait, de café ou encore de beurre.