
Le gouvernement tunisien affirme être à la poursuite de deux groupes djihadistes non loin de la frontière avec l'Algérie, précisant pour la première fois qu'ils sont liés à Al-Qaïda. Le président Marzouki s'est rendu sur place.
Les autorités tunisiennes ont confirmé, ce mardi, que l’armée et la police étaient aux prises avec des groupes djihadistes présumés proches d’Al Qaïda dans le nord-ouest du pays. "Il s'agit de deux groupes. L'un se trouve au Kef et se compose d'une quinzaine de personnes, l'autre compte une vingtaine de membres et se trouve au mont Chaambi. Il y a une connexion entre les deux groupes. Celui du mont Chaambi est lié à la Phalange Okba Ibnou Nafaâ, qui est elle même liée à Al-Qaïda", a déclaré le porte-parole du ministère de l'Intérieur, Mohamed Ali Aroui, lors d'une conférence de presse.
Les deux localités sont situées dans une région montagneuse proche de la frontière algérienne où activistes et forces de sécurité se sont régulièrement affrontés ces dernières semaines. À la fin d'avril, seize militaires et gendarmes ont été blessés - parmi eux, cinq ont perdu leurs jambes dans l'explosion de bombes élaborées à base d'engrais - dans la zone. Depuis mercredi, l'armée bombarde la région au mortier pour faire sauter les mines qui s'y trouveraient.
Les forces tunisiennes ont retrouvé sur le mont Chaambi un campement, des vivres, des téléphones portables et des documents sur la fabrication d'engins explosifs artisanaux.
Marzouki, critiqué, se rend sur place
De son côté, le président tunisien Moncef Marzouki s'est rendu, ce mardi, dans la région pour remonter le moral des troupes et faire le point sur la conduite des opérations. Le ministère de l’Intérieur a précisé qu’une personne soupçonnée d'avoir livré des vivres aux activistes avait été arrêtée.
"Nous vivons actuellement une crise qui nécessite un effort national", a déclaré à la presse son porte-parole, Adnène Manser. "Il faut avoir confiance en notre armée et lui prêter main forte dans sa lutte contre ce fléau", a-t-il dit alors que l'opposition a multiplié les critiques sur l'incapacité des autorités à neutraliser les djihadistes.
À la fin de décembre, le ministère de l'Intérieur avait annoncé l'arrestation de 16 personnes appartenant à la Phalange Okba Ibnou Nafaâ, présentée comme une cellule d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), dans la région de Kasserine, où se trouve Chaambi. Mais c’est la première fois que les autorités établissent un lien entre cette cellule et les groupes djihadistes traqués. Ceux désormais connus sous le nom des terroristes du mont Chaambi sont, en effet, recherchés depuis cinq mois à la suite d'une attaque contre la Garde nationale qui avait coûté la vie à un gendarme. A l'époque, une vaste opération destinée à démanteler cette cellule avait échoué.
Coopération avec l'Algérie
Le porte-parole du ministère de l’Intérieur a confirmé que les combattants de Chaambi étaient, pour certains, originaires "de pays voisins", notamment d'Algérie. "Ils ont voulu faire de Chaambi une base, on l'a démantelée, ils n'ont plus de refuge", a assuré de son côté un porte-parole des forces armées, le colonel Ben Nasr, ajoutant que la Tunisie et l'Algérie coopéraient sur ce dossier, leur longue frontière poreuse étant un haut-lieu de contrebande.
Aucune information n'a toutefois été donnée sur les opérations en cours dans la région du Kef, une centaine de kilomètres plus au nord, où se trouve le deuxième groupe.
Les médias tunisiens relevaient pour leur part, ce mardi, que la Tunisie était désormais entrée dans une lutte de longue haleine contre le terrorisme, au même titre que d’autres pays voisins comme l'Algérie ou le Mali."Cela faisait longtemps que l'on voyait se profiler le danger. (...) Désormais, non seulement le terrorisme a commencé à faire des victimes sur notre sol, mais en plus la lutte engagée contre lui semble s'installer dans la durée", soulignait ainsi le quotidien La Presse.
Si la Tunisie est confrontée depuis la révolution de 2011 à l'essor de groupuscules djihadistes, le gouvernement, dirigé par les islamistes d'Ennahda, n'avait voulu voir en eux jusqu'à présent que des incidents isolés imputés à des extrémistres salafistes, telles l'attaque de manifestants contre l'ambassade américaine en septembre 2012 ou l'assassinat de l'opposant anti-islamiste Chokri Belaïd en février.
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