
Avec "Rituel pour métamorphose" du Syrien Saadallah Wannous, la Comédie-Française aborde pour la première fois une pièce du théâtre arabe. Déjà jouée à Marseille, l'œuvre sera représentée à la Salle Richelieu à partir du 18 mai.
Première création d'une pièce traduite de l'arabe à la Comédie-Française, "Rituel pour métamorphose", du Syrien Saadallah Wannous, résonne comme une "tentative de pièce laïque dans un monde musulman" et fait l’effet "d’une bombe", comme aime le résumer le comédien Denis Podalydès, qui tient l’un des rôles-titres de la pièce.
Saadallah Wannous est un auteur dramatique qui a compté dans le paysage culturel syrien. Né en 1941, Wannous est passé par le journalisme au Caire avant de se former au théâtre à Paris au milieu des années 1960. De retour en Syrie, très imprégné par les différents courants du théâtre européen, il entreprend l’élaboration d’une œuvre abondante de plus de vingt pièces, qui critiquent les liens entre l’individu et le pouvoir. Son écriture est baignée d'influences occidentales tout en collant à l’imaginaire arabe. Il participe à la création du premier festival du théâtre du monde arabe et contribue à fonder l’Institut supérieur d’art dramatique de Syrie.
La troupe de la Comédie-Française a d'abord proposé des représentations de "Rituel pour métamorphose" sur les bords de la Méditerranée, à Marseille, au théâtre du Gymnase. Elle doit ensuite se produire à la Salle Richelieu, à Paris, du 18 mai au 11 juillet 2013.
Le texte a été choisi parce qu’il est "engagé, à la fois classique dans sa construction mais également subversif comme savait l’être Molière en son temps", résume Muriel Mayette, administratrice générale de la Comédie-Française. L'œuvre "est une pièce clé dans la dramaturgie arabe", souligne le metteur en scène koweïtien Sulayman Al-Bassam. "L'auteur a été un mentor dans ce paysage contemporain arabe turbulent et difficile".
Pièce "dangereuse"
Saadallah Wannous est mort en 1997, quatre ans après avoir rédigé le texte de "Rituel pour métamorphose". Il n’a donc pas connu le soulèvement actuel contre Bachar al-Assad en Syrie. Mais il a vécu les révoltes nationalistes qui ont secoué le monde arabe à la fin de l’ère coloniale, les désillusions qui en sont nées et l’emprise du pouvoir par les militaires. L’auteur syrien aborde les questions qui taraudent la Syrie au travers d’une fable située dans un Damas imaginaire vers 1860. "Rituel pour métamorphose" raconte l’histoire de l’épouse d’un noble, Mou’mia, qui se transforme en courtisane pour mieux dévoiler les dessous du pouvoir et ses hypocrisies.
Mou'mia est une femme qui affirme son désir sexuel et défie un Damas d'orthodoxie masculine, de chauvinisme, résume le metteur en scène, Sulayman Al-Bassam : "Elle va défier et déjouer l'hypocrisie des mécanismes de domination entretenus par les hommes, et mettre ces derniers face à leurs contradictions les plus intimes".
"Rituel pour métamorphose" se joue rarement dans les pays arabes. Elle n'est pas censurée au sens propre mais c'est une pièce qui remet en question les fondamentaux religieux", poursuit le metteur en scène, interrogé par l’AFP. Malgré plusieurs tentatives en Egypte en 2012, la pièce a été retirée de l'affiche au bout de quelques représentations: "trop dangereux pour l'autorité", explique-t-il.
Pour l'ensemble de la troupe de la Comédie-Française à "la vision européenne", cette pièce est un "challenge", avoue l’actrice Julie Sicard, qui interprète le rôle de Mou’mia.
Avec dépêches