Des milliers de manifestants du secteur textile sont descendus dans les rues de Dacca, ce vendredi, suite à l'effondrement d'un immeuble, mercredi, ayant provoqué la mort de près de 300 personnes, selon un bilan provisoire.
La situation a brutalement dégénéré dans les rues de Dacca, ce vendredi. Des dizaines de milliers de manifestants du secteur textile se sont violemment opposés aux forces de l'ordre alors qu'ils défilaient en réaction à l'effondrement d'un immeuble de huit étages, ayant provoqué la mort de près de 300 personnes, mercredi. "La situation est explosive", a confié à l'AFP, Asaduzzaman, un officier de police, "Nous avons dû tirer des balles en caoutchouc et des gaz lacrymogènes pour les disperser". Ils réclamaient avant tout "l'arrestation et l'exécution des propriétaires de l'immeuble [en fuite]", a précisé l’agent des forces de l’ordre. Entre 300 et 400 personnes seraient encore coincées sous les décombres.
Mercredi, un immeuble, le Rana Plaza, qui abritait cinq ateliers de confection liés, entre autres, à la marque anglaise Primark, s'est effondré comme un château de cartes. Selon l’Association des fabricants et exportateurs de textile au Bangladesh, plus de 2 600 ouvriers travaillaient dans ces murs, essentiellement des femmes.
Les propriétaires ont ignoré un appel à la fermeture
Aujourd’hui, la colère de ces ouvriers est d’autant plus compréhensible que la catastrophe aurait pu être évitée. Dès mardi, les fissures étaient devenues menaçantes, l’immeuble avait dû être évacué. Mais les chefs des ateliers avaient exigé que les ouvriers reviennent travailler le lendemain. Selon le responsable d’une unité de police chargé du secteur industriel, Mustafizur Rahman, les propriétaires des ateliers avaient délibérément ignoré un appel à la fermeture lancé par les autorités. "Après avoir constaté les fissures, mardi, nous leur avons dit de fermer les ateliers. Ils n'en ont pas tenu compte", a-t-il déclaré à la presse. Ces propriétaires sont invisibles depuis l’accident mais une enquête a été ouverte à leur encontre pour violation des règles de construction.
Il s'agit du pire accident dans l'histoire industrielle de ce pays défavorisé, qui a fait du secteur textile le pivot de son économie. Mais ce n’est pas le premier. Si des réformes avaient été promises après l'effondrement d'un immeuble industriel ayant tué 64 personnes en 2005, un nouvel accident du même type avait endeuillé le pays en 2012 dans l’incendie d’une usine textile fournissant notamment l'américain Walmart. Et en janvier dernier, un autre incendie touchait une usine fournissant l’espagnol Inditex, propriétaire de la marque Zara, faisant huit morts, dont deux enfants.
Des conditions de travail précaires
"Cela fait plusieurs années que le Bangladesh est identifié comme un pays où il peut y avoir des problèmes de sécurité dans des usines. Les autorités poussent à leur amélioration, mais on part de loin", affirme Anne-Laure Linget Riau, responsable du développement international à la Fédération française de la maille et de la lingerie, interrogée par FRANCE 24.
Les ouvriers souffrent également de conditions de travail très précaires. Ces derniers continuent d’être rémunérés une bouchée de pain. Certains salariés du textile qui travaillaient dans le Rana Plaza étaient payés 37 dollars (28 euros) par mois. Des conditions de travail qui sont toutefois en cours d’amélioration : de 40 dollars en 2011, le salaire moyen est passé à 80 dollars en 2012 et frôle aujourd’hui les 100 dollars, précise l’experte.
"Nous craignons que les acheteurs annulent leurs commandes"
Le Bangladesh a fortement augmenté ses capacités de fabrication textile depuis trente ans. Il est même passé devant la Chine pour fournir la France en certains biens, notamment les t-shirts (fin 2012, 21,4 % des t-shirts vendus en France étaient importés du Bangladesh contre 18,2 % de la Chine). Il est devenu le 2e plus gros fournisseur de la France, devant la Turquie, le Maroc et la Tunisie. En cinq ans, les capacités de production du pays ont augmenté de moitié et ont monté en gamme, en se positionnant sur des produits plus élaborés comme les Jeans.
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, les accidents, comme celui de l’effondrement des ateliers du Rana Plaza, ne sont donc pas pris à la légère par le secteur industriel. Notamment parce que les entrepreneurs bangladais craignent que les commandes internationales se volatilisent. "Nous appréhendons le fait que certains acheteurs puissent annuler leurs commandes, mais nous essayons vraiment d'améliorer les conditions de sécurité", assure ainsi à l’AFP le vice-président de l'Association des fabricants et exportateurs du secteur textile au Bangladesh, Shahidullah Azim.