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Reportage : Guevarra, rebelle syrienne devenue sniper à Alep

Après deux ans de guerre, Alep résiste toujours à l’armée de Bachar al-Assad. Dans la ville détruite, certains habitants sont devenus des guerriers... ou des guerrières, comme Guevarra, qui s'est reconvertie en tueuse.

C’est à peine si les passants pressent le pas au son de l’artillerie. À Alep, après plusieurs mois de conflit meurtrier, la guerre s’est installée dans le quotidien. Les bombardements sont devenus des bruits familiers, le silence une denrée rare.

Deux ans après les premières manifestations, la ville est méconnaissable, détruite dans sa presque totalité. Aujourd’hui, Alep est une ville sans eau ni électricité. Pour nourrir la population, la rébellion organise des distributions de pain. Sur la ligne de front, les rebelles en sont réduits à tuer des pigeons pour se nourrir.

Mais si la ville vacille, elle ne cède pas. Et les boulangers et ouvriers d’hier se sont reconvertis en combattants anti-régime. Guevarra était professeure d’anglais au collège. Elle est aujourd’hui devenue une tueuse professionnelle. À son tableau de chasse, plus de 15 ennemis abattus. "Moi, je tire avec une arme russe. J’ai également un pistolet, ça c’est normal, et j’ai aussi une arme personnelle. La mitraillette, ça ne sert que pour les batailles", explique-t-elle.

"Les snipers du régime prennent plaisir à tuer"

Guevarra n’a été formée que pendant une courte période de cinq mois avant de rejoindre les rangs des combattants, presque exclusivement masculins. Contrairement aux idées reçues, son sexe ne l’empêche pas de tuer de sang-froid. "Les snipers du régime prennent plaisir à tuer des gens. Dans ce quartier où je jouais, j’ai vu un petit garçon et sa maman se faire descendre par un sniper. Ils sont morts sur le coup. Ça m’a choquée. Ils n’étaient pas armés. C’étaient des gens ordinaires", explique-t-elle.

Son chef se prénomme Abu Ali. Ancien topographe, il est aujourd’hui l’un des chefs les plus influents de la rébellion. Face aux ruines d’Alep, ce commandant de guerre est devenu le roi de la débrouille. "On récupère des obus de char, parfois ils n’explosent pas. On réactive la poudre qui est à l’intérieur […]. Nos moyens sont assez rudimentaires. Laissez-moi vous dire quelque chose : le régime prétend que nous recevons de l’aide. C’est peut-être vrai que nous recevons une certaine aide matérielle mais rien sur le plan militaire, ça vous pouvez en être sûr."

Alep résiste mais pour combien de temps encore ? Pour Guevarra la snipeuse, Abu Ali le chef de guerre et tous les rebelles d’Alep, abandonner ne fait pas partie de l’équation. "Chaque trou dans un mur de la ville est une balle dans notre cœur. Ce lieu a une grande âme. Malgré la guerre et quoi qu’il arrive, nous ferons tout pour le sauvegarder", confie Omar, un jeune étudiant en archéologie, en observant la Grande mosquée des Omeyyades, classée au patrimoine de l’humanité et aujourd'hui presque entièrement détruite.