Pour mettre fin à la crise politique qui dure depuis deux mois en Italie, le président Gorgio Napolitano a chargé le numéro deux du Parti démocrate, Enrico Letta, de former un gouvernement alliant gauche et droite.
Le numéro deux du Parti démocrate (PD, gauche) Enrico Letta a été chargé mercredi de former un nouveau gouvernement alliant gauche et droite pour mettre fin à la crise politique dans laquelle l'Italie est empêtrée depuis deux mois.
"Cela fait 60 jours que le pays attend un gouvernement. C'est une situation, très difficile, fragile, inédite, qui ne peut pas durer", a déclaré M. Letta, 46 ans, à la sortie de son entretien avec le président Giorgio Napolitano qui lui a confié cette tâche.
Selon la Constitution italienne, M. Letta doit maintenant procéder à des consultations avec les forces politiques - à partir de ce jeudi, a-t-il dit - avant d'être nommé formellement chef d'un gouvernement qui pourrait être installé d'ici la fin de la semaine.
Il a d'ores-et-déjà appelé "toutes les forces politiques" à lui apporter leur soutien, énumérant les réformes qu'il compte mener en priorité: réduction du nombre de parlementaires, suppression des provinces, réforme de la loi électorale, "à l'origine de la crise actuelle", a-t-il relevé, ajoutant que "la politique avait perdu toute sa crédibilité".
Lundi, dans son discours d'investiture, M. Napolitano avait jugé "impardonnable" que le Parlement ne se soit pas attelé à ces réformes, dont l'absence a pour une bonne part alimenté l'hostilité viscérale aux partis traditionnels illustrée par le succès de l'ex-comique Beppe Grillo.
Le futur président du Conseil a également plaidé pour que l'Italie pèse de tout son poids "pour changer la barre des politiques européennes". "Les politiques d'austérité ne suffisent plus", a-t-il dit.
Il a promis aussi de s'attaquer au chômage, qui touche 11,6% de la population et plus d'un tiers des jeunes, alors que la troisième économie de la zone euro est plongée dans la récession.
A sa suite, le président Napolitano, réélu samedi à la demande générale des grands partis politiques, a exprimé "satisfaction et sérénité", se déclarant "confiant" que M. Letta parviendra à former un gouvernement qui obtiendra, enfin, la majorité dans les deux Chambres du Parlement.
A 46 ans, M. Letta figurera parmi les plus jeunes dirigeants de l'Union européenne.
Agé lui-même de bientôt 88 ans, M. Napolitano a insisté sur le fait que M. Letta incarne une nouvelle génération, alors que les Italiens réclament un renouveau. "Il est jeune et même très jeune selon les critères italiens", a ironisé le vieux chef d'Etat tout en insistant sur l'expérience de M. Letta, qui a déjà occupé plusieurs postes ministériels et est entré en politique dès sa prime jeunesse.
Cravate bleue et fines lunettes, M. Letta, arrivé au volant de sa propre voiture -créant la stupéfaction à Rome- s'est déclaré à plusieurs reprises conscient de "l'immense responsabilité" qui lui incombe.
Il devra mener un gouvernement alliant forces de droite et de gauche, ce à quoi son propre parti s'était farouchement opposé jusqu'ici, se refusant à un accord avec son ennemi juré, Silvio Berlusconi et préférant rechercher un accord avec le mouvement de l'ex-comédien Beppe Grillo qui lui a claqué la porte au nez à plusieurs reprises.
Enrico Letta est le neveu de Gianni Letta, l'homme de confiance de Silvio Berlusconi, ce qui pourrait faciliter les passerelles entre les grandes formations politiques, même s'il n'a jamais ménagé ses critiques contre le Cavaliere.
M. Napolitano a d'ailleurs à nouveau enfoncé le clou mercredi, appelant à "un gouvernement de large convergence" et rappelant à chacun ses engagements en ce sens.
"Un gouvernement de grande coalition est une pilule amère pour le PD", rappelait Stefano Folli, du quotidien économique Sole 24 ore.
Mais le temps presse. "Un conflit permanent est un luxe que l'Italie ne peut pas se permettre. Il faut un gouvernement de pacification nationale", analyse Massimo Franco, éditorialiste du Corriere della Sera, premier quotidien de la péninsule.
Selon l'organisation patronale Confindustria, deux mois sans gouvernement fort aurait coûté à l'Italie un point de PIB.
Le Peuple de la Liberté (PDL) de Silvio Berlusconi a fait savoir qu'il soutiendrait le futur gouvernement, de même que les centristes du chef de gouvernement sortant Mario Monti.
La Ligue du Nord, ex-alliée de Berlusconi, y sera hostile, tandis que les "grillons" du Mouvement cinq étoiles (M5S) ont promis une "opposition constructive", prêts à voter les mesures qu'ils approuveront.
De leur côté, dirigeants d'entreprise, syndicats et même l'Eglise catholique ont eux aussi pressé les politiciens de former un gouvernement sans tarder.
Les marchés ont bien réagi à la réélection de M. Napolitano: la Bourse de Milan a fini mardi sur un bond de 2,93%, tandis que les taux d'intérêt à long terme atteignaient leur plus bas niveau depuis novembre 2010.
Mais mercredi, après la nomination de M. Letta, la Bourse a chuté de 0,49%.
AFP