
Les révélations du président du FC Bayern Munich ont fait l’effet d'une bombe en Allemagne. L'homme, l'une des figures les plus influentes de la vie publique, a reconnu détenir un compte de plusieurs millions d'euros en Suisse.
Il incarnait la fibre morale et sociale du foot allemand... Désormais, en Allemagne, seule une question reste associée au nom d’Uli Höness, président du Bayern Munich : combien a-t-il dissimulé au fisc sur un compte en Suisse ? Dix millions d’euros ? Plusieurs centaines de millions d’euros ?
C'est à l’hebdomadaire Focus que l’on doit le scandale. Le magazine a révélé le 20 avril que l’ex-attaquant star de la “Mannshaft” dans les années 70, ex-entraîneur du Bayern de Munich et aujourd’hui président du club bavarois détient un compte en Suisse sur lequel dorment des millions d’euros depuis au moins une décennie. Uli Höness l’a reconnu et a même précisé qu’il avait lui-même informé le fisc allemand de l’existence de ce compte en janvier dernier. Mais il refuse d’en dire plus sur les sommes en jeu.
Depuis, la tempête médiatique bat son plein en Allemagne, soulignant à quel point Uli Höness est une personnalité influente de la vie publique. “Fallait-il vraiment que ça tombe sur lui !!”, regrette, dimanche 21 avril, le quotidien bavarois de référence la Sueddeutsche Zeitung. “Uli, espèce d’imbécile”, s’emporte de son côté le quotidien populaire Bild. Tous les médias et commentateurs allemands relèvent, depuis 48 heures, l’extraordinaire décalage entre les vilains petits secrets helvètes du Dr UIi et l’image de “M. Propre” que Mister Höness s’était construite depuis des années.
Car la violence du séisme provoqué par les révélations de Focus vient de ce qu’Uli Höness représente. Il n’est pas seulement le président du club le plus titré du pays qui vient de remporter son 23e titre de champion d’Allemagne à six journées de la fin de la saison. Cet homme de 61 ans est aussi un inlassable détracteur du foot business et n’a jamais manqué une occasion de critiquer la folie dépensière des clubs espagnols ou italiens.
"J’ai toujours payé mes impôts"
Uli Höness ne s’est, en outre, pas contenté de dispenser ses leçons de morale à ses pairs du monde du football. Très recherché par les médias allemands, il a aussi longtemps prôné une simplification du système fiscal allemand et s’est posé en modèle autoproclamé de rectitude financière. “Je suis peut-être un imbécile, mais j’ai toujours payé mes impôts plein pot”, affirmait-il en 2005 au magazine Bild. “Je recherche le succès mais pas à n’importe quel prix. Lorsqu’il s’agit d’argent, il faut parfois savoir dire qu’on en a assez”, soulignait-il encore en 2011 au magazine économique Brandeins.
En plein scandale des “Offshore Leaks” et autres affaires impliquant des paradis fiscaux, l’Allemagne semblait se rattacher à la rectitude morale de son “M. Propre”. “Peut-il être un modèle pour tout un pays ?”, se demandait ainsi il y a quelques semaines le magazine Spiegel, tandis que Bild croyait pouvoir affirmer que “la politique allemande a besoin de plus d’Uli Höness”.
“En fait il était un phénomène et même ses plus grands détracteurs lui reconnaissaient au moins le mérite d’avoir une vraie fibre sociale”, affirme lundi 22 avril la Sueddeutsche Zeitung. Uli Höness avait, d’après les médias allemands, d’autant plus de mérite dans son combat sur la solidarité fiscale que sa fortune était, croyait-on, connue de tous. En plus de ses activités sportives, il est également connu pour être le patron d’une prospère société de fabrication de saucisses qui vient de passer un juteux contrat pour l’Allemagne avec le roi du hamburger MacDonald’s.
C’est donc bien de la chute d’une icône qu’il s’agit. Une icône incarnant un certain modèle à l’allemande qui voulait réconcilier succès économique et conscience sociale. Ce n’est pas un hasard si, comme le rappelle le quotidien Die Welt, la chancelière allemande Angela Merkel l’avait invité plusieurs fois “pour échanger leur point de vue sur des sujets de société”.