logo

Vente de masques hopis à Drouot : la justice déboute la tribu amérindienne

La justice a décidé de maintenir la vente aux enchères des 70 masques sacrés de la tribu amérindienne des Hopi à l’Hôtel Drouot. L'association de défense des peuples indigènes qui a porté plainte n'a pas obtenu gain de cause.

Une vente aux enchères de masques tribaux considérés comme sacrés, contestée par la tribu amérindienne des Hopis, aura bien lieu vendredi 12 avril à l'hôtel Drouot à Paris, la justice française ayant refusé de l'interdire. Les Hopis, qui vivent dans des villages du nord de l'Arizona, ont écrit le mois dernier à la maison Néret-Minet Tessier & Sarrou en lui demandant d'annuler la mise aux enchères de 70 objets en exigeant leur restitution.

Survival International, organisation non gouvernementale spécialisée dans la défense des droits des peuples indigènes, demandait en leur nom l'interdiction temporaire de la vente, dans l'attente d'un examen adéquat de la légalité de la collection et de sa vente.

Le tribunal des référés du Tribunal de grande instance de Paris a décidé de laisser se dérouler la vente."La juge laisse la vente se faire, considérant que, même si ces objets sont sacrés pour les Indiens, ils ne pourraient être protégés en France que s'il s'agissait d'être vivants ou morts", s’est indigné Me Pierre Servan-Schreiber, avocat de Survival International, indiquant que le droit fait en la matière référence aux sépultures.

"Cette décision est très décevante", a-t-il poursuivi, indiquant qu'il allait introduire un recours auprès du Conseil des ventes pour leur demander d'intervenir. "Tout n'est pas nécessairement achetable ou vendable, et il faut faire attention."

Le catalogue de la vente présente plusieurs dizaines de masques, certains simples, d'autres élaborés, avec des nez et des oreilles en bois ou en métal. Les mises à prix vont de 1 500 à 24 500 euros. La collection a été, toujours selon le catalogue, constituée sur une période de trois décennies par "un amateur au goût avisé" vivant aux États-Unis.

"C’est un sacrilège"

"C’est très curieux qu’il y ait 70 masques qui apparaissent entre les mains d’un collectionneur. On ne dit pas qu’il les a obtenus illégalement, mais étant donné les lois américaines et internationales qui interdisent de vendre ou d’exporter de tels objets, il y a des questions qui se posent et il faut y répondre, explique à FRANCE 24 l’avocat français de Survival International, Pierre Servan-Schreiber. Une fois que la vente est faite, on perd la trace des objets. Il sera alors trop tard."

Pour les Hopis, qui sont environ 18 000, répartis dans 12 villages dans le nord de l’Arizona, ces objets faits de cuir ou de bois, ornés de crin de cheval ou de peintures, ne sont en effet pas considérés comme de l’art, mais comme des êtres vivants qui n’auraient jamais dû quitter leur territoire.

'Ils permettent de personnifier des esprits, les 'Kachinas', qui vont faire venir la pluie ou encore permettre la fécondité. Ils sont utilisés dans un cadre religieux. Ce sont des amis", précise à FRANCE 24 l’anthropologue Patrick Pérez, auteur de "Les Indiens Hopi d'Arizona : six études anthropologiques" (éd. L'Harmattan, 2004).

Pour ce spécialiste de la culture hopi, cette vente est un véritable sacrilège. Elle est vécue comme une souffrance par la tribu. "Ils se sentent très mal. Leur responsabilité est aussi engagée car ils en sont les gardiens. Ils sont dans leur croyance et à cause de cette vente, il y aura peut-être moins d’eau cette année, des enfants qui ne naîtront pas, plus de maladies. Les gens sont très sensibles à cela !" "Imaginez si on faisait la collection d’hosties consacrées et qu’on les mettait en vente ! C’est un rituel vivant, ce n’est pas de l’archéologie !", s’insurge Patrick Pérez.