Le président vénézuélien par interim Nicolas Maduro paraît le mieux placé pour remporter l’élection présidentielle du 14 avril et succéder à son mentor, Hugo Chavez, décédé le 5 mars dernier. Il est pourtant loin de faire l'unanimité.
A la veille de l’élection présidentielle vénézuélienne du 14 avril, les jeux semblent faits. De nombreux sondages annoncent la victoire du dauphin désigné de Hugo Chavez, Nicolas Maduro. Une dernière étude, publiée lundi 8 avril par l'institut Datanalisis, crédite notamment le président par interim de 50,2 % des intentions de vote contre 32,4 % pour le chef de file de l’opposition, Henrique Capriles Radonsky.
Désigné par Hugo Chavez comme son héritier politique le 11 décembre dernier, Maduro, 50 ans, doit son statut de favori à la vive émotion encore palpable dans le pays suite au décès du "Commandante", le 5 mars dernier. "Adoubé par Chavez, le président par interim bénéficie d’un élan de sympathie", note Pascal Drouhaud, spécialiste de l’Amérique latine. Dans les quartiers populaires de Caracas, voter pour Nicolas Maduro sonne comme une évidence. "Chavez a forgé le pouvoir et l'a laissé à Nicolas Maduro donc Maduro est le meilleur. Je sais qu'il va pouvoir gérer le Venezuela et nous serons derrière lui", indique à quelques jours du scrutin Victor Leibo, partisan du Parti socialiste uni du Venezuela (PSUV), à l'AFP.
Les observateurs se veulent toutefois prudents quant à l’issue du scrutin, qui reste, selon eux, "incertaine". "L’écart entre les deux candidats pourraient être bien plus serré que ne le montrent les dernières études d’opinion", prédit Pascal Drouhaud. Propulsé sur le devant de la scène il y a moins de six mois et encore méconnu du grand public, Nicolas Maduro, ancien chauffeur d’autobus venu à la politique par le syndicalisme, sait que sa victoire n’est pas encore acquise car beaucoup de Vénézuéliens, y compris parmi les chavistes, doutent de ses capacités à gouverner. "Il n’a pas l’expérience de Chavez. Chavez était un leader alors que Maduro ne possède pas encore de leadership", rapporte, à l’AFP, Guido Moguea, vendeur de fruits et légumes.
Manque de charisme
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Pour convaincre les chavistes, Nicolas Maduro, ancien ministre des Affaires étrangères entre 2006 et 2012, "va devoir les rassurer en misant sur la continuité", commente Pascal Drouhaud. À l’instar de son mentor, le dauphin à la haute stature et à la moustache épaisse multiplie les apparitions publiques et les discours fleuves pour s’imposer comme le nouveau visage de l’exécutif. Ce membre de l’aile modérée du chavisme a promis de marcher dans les pas de son mentor et de poursuivre sa politique socialiste.
Durant la campagne présidentielle, le président par interim a également repris la rhétorique anti-impérialiste de Chavez en accusant notamment, samedi 6 avril, deux ex-ambassadeurs américains de fomenter un complot pour l'assassiner. Dans la foulée, mercredi 10 avril, Maduro a ordonné la fermeture des frontières jusqu'au 15 avril.
Sauf que le président par interim est loin d’avoir le charisme de son prédécesseur. Ses récents commentaires quasi-mystiques sur Hugo Chavez affirmant que l’ancien président lui était apparu "sous la forme d'un petit oiseau" n’ont pas eu l’effet escompté. "Ce qui était magique dans la bouche de Chavez apparaît ridicule dans celle de Maduro", commente Stephen Launay, maître de conférences, Université Paris-Est et auteur de "Chavez, Uribe, deux voies pour l'Amérique latine". "Il sait bien que s’il emporte l’élection, il ne devra sa victoire qu’à Chavez et non à son charisme".
Cuba derrière Maduro
À l’inverse, le jeune et dynamique candidat de la Table unie démocratique (MUD), Henrique Capriles, qui s’apprête à disputer sa deuxième élection présidentielle en six mois, a démontré sa capacité à mobiliser d'immenses foules et à s’imposer comme la seule figure de l’opposition. Il a musclé son discours en multipliant les attaques contre son rival qu’il n’hésite pas à qualifier de "paresseux" et de "fainéant" et de l’accuser d'être le "candidat" de La Havane.
itMais l'énergie du candidat social-démocrate ne devrait pas suffire pour faire face à la machine "Maduro". "Choisi par Cuba, le président par interim reçoit les ordres de La Havane pour conduire le pays et remporter l'élection", commente Stéphane Launay. "Par ailleurs, pour faire campagne, il se sert dans les caisses de l'État en utilisant l’océan de pétro-dollars", ajoute-t-il en évoquant des dizaines de milliers de dollars.
En cas de victoire de Nicolas Maduro, beaucoup d’experts s’accordent à dire que sa période de grâce ne durera pas longtemps. "Il va devoir trouver un équilibre entre le chavisme et l’invention d’un après Chavez", commente Pascal Drouhaud. "Et sa marge de manoeuvre pour procéder à des réformes économiques dépendra du score qu'il obtient à l'issue de l’élection".