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Maduro fait planer l’ombre de Chavez sur la campagne présidentielle

Un mois après la mort d'Hugo Chavez, la campagne pour la présidentielle anticipée du 14 avril débute ce mardi. Un scrutin sur lequel plane le fantôme du Comandante, largement exploité par son dauphin désigné, Nicolas Maduro.

Un mois après la disparition du "Comandante", les Vénézuéliens vont être amenés à choisir entre le président par intérim - et dauphin désigné de Hugo Chavez-, Nicolas Maduro, et le candidat de l’opposition, Henrique Capriles. Pourtant, l’ombre du défunt président continue de planer sur la campagne présidentielle qui débute mardi 2 avril.

Depuis le décès d'Hugo Chavez le 5 mars des suites d'un cancer, Maduro n’a pas hésité à surfer sur l’image du "Comandante". Le dauphin à la haute stature et à la moustache épaisse, qui n’a pas le charisme de son prédécesseur mais a appris à occuper l’espace médiatique, ne cesse d’arroser tous ses discours de références et d’éloges faites à l’ancien président. "Si quelque chose nous unit, c'est l'amour pour Chavez", explique-t-il un jour. "Il est de la responsabilité de tous que l'héritage de Chavez perdure", indique-t-il un autre jour. "Hugo Chavez m'a préparé sans que je le sache dans tous les domaines : pétrole, finances, international...", évoque-t-il enfin. Depuis la mort de Chavez, il cite son nom pas moins de 200 fois par jour, d’après un site internet qui s’est amusé à faire le calcul, madurodice.com.

Mardi 2 avril, Maduro devrait officiellement lancer sa caravane de campagne depuis la ville natale de Chavez, Sabaneta, située dans les plaines centrales du pays pour suivre les traces de son mentor et rejoindre le palais présidentiel à Caracas. La voix enregistrée de l’ancien président, extraite de son dernier discours public, sera diffusée lors de chacun de ses meetings et le visage d’Hugo Chavez, placardé sur toutes les affiches de campagne, sera omniprésent. Rien n’a été oublié : même un mot manuscrit du Comandante figure sur chaque pancarte "À Maduro de tout mon cœur".

Face à cette exploitation à outrance, Henrique Capriles, le jeune gouverneur de l'État de Miranda qui porte les couleurs de la coalition d'opposition de la Table de l'unité démocratique (MUD), tente de faire passer son rival pour une pâle copie de son mentor. "Nicolas, tu n’es pas Chavez !", lui lance-t-il régulièrement. Une certaine frange de la population, notamment les élites intellectuelles, s’en agace également, estime Thomas Brisset, chercheur à l’Observatoire politique de l’Amérique latine et des Caraïbes à Sciences Po (Opalc). "Sur le long terme, la figure du chavisme ne pourra pas pourvoir à tout".

Référendum sur le chavisme

Reste que cette stratégie s’avère payante pour l’héritier de Chavez. Selon un sondage de l'institut Hinterlaces, publié mardi 19 mars, 53% des Vénézuéliens voteraient pour lui lors de l’élection du 14 avril tandis que le candidat de l’opposition ne récolterait que 35% des voix. "Pour ce scrutin, on devrait assister à une plus forte mobilisation encore en faveur du candidat chaviste, affirme Thomas Brisset. Les Vénézuéliens traversent une période d’incertitude qui devrait les inciter à s’unir derrière le président par interim".

L’émotion est encore palpable au sein de la population vénézuélienne. Située dans un quartier pauvre de Caracas, la petite chapelle de "Saint Hugo Chavez", où repose l’icône de la gauche mondiale anticapitaliste, est chaque jour visitée par des centaines de pèlerins. "La base populaire du chavisme reste très importante", confirme Pierre-Philippe Berson, correspondant au Venezuela pour FRANCE 24, qui rappelle que lors de la dernière élection présidentielle, en octobre 2012, Hugo Chavez avait été élu avec 11 points d’avance sur Capriles.

Cette fois-ci, le scrutin présidentiel fera office de référendum sur le chavisme. "Les Vénézuéliens ont eu l’habitude voter pour ou contre Hugo Chavez, précise Thomas Brisset. Aujourd’hui, ils vont devoir voter pour ou contre la poursuite de la révolution bolivarienne".

En effet, Maduro a misé sur la continuité, poursuit Pierre-Philippe Berson. Les piliers de son programme sont calqués sur la politique de son prédécesseur : bâtir le socialisme vénézuélien et contribuer à la mise en place d'un monde multipolaire. Seule nouveauté : il a mis l'accent sur la lutte contre l'insécurité, un des grands échecs de quatorze années de chavisme dans un pays qui affiche un taux d'homicides record en Amérique du Sud (55 pour 100 000 habitants en 2012, selon le gouvernement), près de huit fois supérieur à la moyenne mondiale.

De son côté, l’énergique Capriles, qui a été largement réélu gouverneur du riche État de Miranda (Nord) en décembre dernier, sait que la bataille sera rude. "Il y a une possibilité de victoire, bien que tout soit contre moi", assure le chef de l'opposition, grand admirateur du modèle brésilien qui mêle libéralisme économique et politique sociale forte. Bien que la campagne soit moins longue qu'en 2012, l’avocat de 40 ans utilise la même stratégie que l'an dernier : une campagne au pas de charge - il se rend dans deux États par jour - et un mélange de meetings, d'interviews aux médias et de réunions avec les politiques des régions visitées. Mais son défi sera, avant tout, de se battre contre le mythe Chavez.