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Chypre : les petits épargnants épargnés... mais pas sauvés

Le nouveau plan de sauvetage de Chypre ne prévoit plus de taxer les dépôts bancaires de moins de 100 000 euros. Ce qui n'empêchera pas, à terme, les petits épargnants chypriotes de payer les pots cassés.

Les petits épargnants chypriotes épargnés ? La nouvelle mouture du plan de sauvetage de l’île, dévoilée dans la nuit du dimanche au lundi 25 mars, prévoit, en effet, de ne taxer que les dépôts bancaires supérieurs à 100 000 euros.

En contrepartie, les “gros” comptes seront lourdement frappés. Les clients qui avaient placé plus de 100 000 euros dans la seconde banque du pays - la Laiki, qui doit être démantelée - pourraient perdre une importante partie de leurs économies, voire l’intégralité. Ceux qui bénéficient d'un compte excédant le minimum garanti à la Bank of Cyprus, la première institution financière du pays, vont également sentir le poids de la taxe. Pour eux, elle devrait avoisiner les 30 %, soit trois fois plus que dans le plan initial qui a été rejeté par le Parlement chypriote la semaine dernière.

Le nouvel accord entre la troïka (Fonds monétaire international, Union européenne, Banque centrale européenne) et le gouvernement chypriote doit permettre au secteur bancaire de l’île de survivre en se réduisant tout en évitant une ruée sur les guichets des petits épargnants voulant retirer leurs fonds. “Ce nouveau plan est certes meilleur que le précédent puisqu’il respecte le principe européen de garantie des dépôts de moins de 100 000 euros, mais il n’est pas sûr que cela suffise pour éviter une panique bancaire car le mal est déjà fait”, souligne Céline Antonin, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) et spécialiste de la zone euro.

Échaudés par le premier plan de sauvetage, les petits épargnants pourraient faire le siège de leur agence bancaire malgré tout dès jeudi. Après avoir annoncé la réouverture des banques mardi, la Banque centrale chypriote l'a finalement réportée à jeudi.

Trop tard ?

Mais les "gros" comptes ne sont pas forcément ceux qu'on croit. Il n'y a pas seulement les oligarques russes qui disposent de plus de 100 000 euros en banque. "Cette taxe devrait également frapper des PME locales qui ont en banque plus que le minimum garanti et risquent de se retrouver en difficulté financière très rapidement”, note Céline Antonin. “L’Union européenne n’a jamais réalisé d’audits des banques chypriotes et personne ne sait réellement quelle est la part des dépôts de plus de 100 000 euros qui correspondent, notamment, à des Chypriotes qui épargnent pour leur retraite et la part des comptes détenus par des Russes ou autres qui veulent bénéficier du système fiscal local”, rajoute Pascal de Lima, enseignant en économie à Sciences-Po.

Sans compter que cette taxe arrive peut-être même trop tard pour frapper ceux qui ont le plus profité des largesses fiscales de l’île. “Chypre a demandé de l’aide à l’Union européenne à l’été 2012, et il y a fort à parier qu’un certain nombre d’importants clients des banques chypriotes ont déjà transféré leur argent ailleurs en prévision”, remarque Céline Antonin.

À terme, les petits épargnants finiront par ressentir les effets négatifs du plan de sauvetage sur l’économie de l'île. Pour Céline Antonin, cette taxe demeure “un signal négatif qui risque de sensiblement faire baisser les investissements dans l’île”. Avec un secteur bancaire fortement réduit, des investissements étrangers appelés à chuter, les commerces et entreprises locales vont avoir de plus en plus de mal à se financer. “Des faillites sont à attendre et ce plan ne va pas aider Chypre à sortir de la récession”, prévoit Céline Antonin.

Le coup de massue assené au système bancaire de l’île devrait affaiblir un secteur financier pourvoyeur d'emplois. Autant de conséquences qui, comme le rappelle le quotidien britannique "The Guardian", rend plausible le scénario d’un pays qui risque d’avoir besoin d’un autre plan de sauvetage.