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Lutte antidopage : "La mascarade dure depuis 45 ans"

Le Sénat français a mis en place fin février une commission d’enquête sur l’efficacité de la lutte antidopage en France. Le docteur de Mondenard, premier intervenant à s’exprimer devant cette commission, revient pour FRANCE 24 sur son audition.

Constituée officiellement le 20 février, la commission d’enquête sénatoriale doit effectuer un "état des lieux précis et circonstancié, à la fois des pratiques dopantes et de notre politique publique en matière de lutte contre le dopage" afin de dégager des solutions consensuelles permettant de renforcer l’efficacité de la politique de l’Etat.

Le rapport final sera rendu mi-juillet avant une refonte législative prévue en septembre prochain.

Les auditions de la commission sénatoriale ont débuté le 14 mars dernier avec comme premier interlocuteur le docteur Jean-Pierre de Mondenard, médecin du sport et historien du dopage. 

FRANCE 24 : Comment s’est passée votre audition ?

Dr de Mondenard : Déjà, je ne voulais pas y aller. Mais c’est une commission d’enquête et aucun citoyen français ne peut s’y soustraire sous peine de devoir payer 7000 € d’amende.

Pourquoi ne vouliez-vous pas y aller ?

Car c’est une commission de plus. C’est une perte de temps car je sais d’avance que cela ne débouchera sur rien. Cela se saurait si les commissions permettaient de changer les choses.

Pour que la donne change, il faut retirer aux fédérations nationales la gestion de la lutte antidopage. Et ce n’est pas possible en France. Il faudrait une personnalité politique, avec suffisamment de charisme et de volonté pour sortir le système de là où il est. Mais de tous les politiques que j’entends, je n’en vois aucun capable de faire quelque chose.

Vous savez, c'est comme le successeur de Bernard Hinault (cycliste français quintuple vainqueur du Tour de France ndlr.). Il y en a peut être un, mais on ne le connaît pas encore !

Le seul pays qui pourrait changer la donne, c’est l’Allemagne. C’est le seul qui a supprimé sa retransmission télévisée du Tour de France sous la pression du public. C’est le seul qui a supprimé son Tour national (dernier en 2008 ndlr.). C’est le seul pays capable de sortir un homme politique qui dise : "Basta. Arrêtons les frais !"

C’est ce que vous avez dit devant la commission ?

J’ai fait un bref historique du dopage. J’ai indiqué que tous les sports étaient concernés, que le dopage était répandu et que les contrôles n’étaient pas efficaces. Je pense que ce que je leur ai raconté les a intéressés.

La mascarade de la lutte antidopage dure depuis 45 ans. Il faut faire une révolution. Mais qui va faire une révolution ?

Qu’avez-vous préconisé ?

On ne pourra jamais s’en sortir avec des fédérations qui réglementent et qui sanctionnent. Qu’elle fasse de la prévention d’accord, mais c’est tout.

Deuxième mesure, il faut arrêter de faire des contrôles a posteriori des épreuves. Ca ne sert à rien. Le jeu de tous les sportifs de haut-niveau, c’est de passer au travers de ce contrôle puis de monter sur les podiums et d’être labellisés propre par les dirigeants. Il faut plutôt augmenter les contrôles inopinés, les seuls efficaces.

Troisième mesure, il faut reverser l’argent des contrôles a posteriori à l’Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique (Oclaesp) pour leur donner plus de moyens. Si vous prenez toutes les histoires de dopage de ces dernières années, ce sont les forces de l’ordre qui ont permis de les mettre à jour : l’affaire Festina c’est la douane, l’affaire Puerto c’est la Guardia Civil, l’affaire du Giro 2001, ce sont les Carabinieri…

Le rapport de la commission sénatoriale doit normalement déboucher sur une loi portée par le ministère des Sports. Quelle pourrait en être la teneur ?

Mais ce n’est pas au ministère des Sports de lutter contre le dopage ! D’un côté, on lui demande d’engranger des médailles et de l’autre de virer tous ceux qui trichent. C’est incompatible. Si l’on veut s’en sortir, il ne faut surtout pas que le monde du sport s’occupe de la lutte antidopage. C’est la condition sine qua non. Sinon on repart pour un tour !

Que penser, enfin, de la proposition de David Douillet, lui aussi auditionné par la commission, de sanctionner des organisateurs d'épreuves sportives lors desquelles des actes de dopage auraient été avérés ?

La lutte antidopage n’est à aucun moment sous la responsabilité des organisateurs d’épreuves. Ce ne sont pas les organisateurs qui gèrent les contrôles. Ils ne peuvent rien faire. Ce sont de simples prestataires de service.

C’est dans leurs discours que les organisateurs peuvent faire quelque chosen, mais pas dans les actes. En premier lieu, il faut arrêter de faire l’amalgame entre contrôle négatif et pas de dopage. C’est une imposture ! Aucun sport n’est épargné

Tags: Dopage, Cyclisme,