logo

Sarkozy en homme providentiel : une stratégie gaullienne

Dans une interview à paraître jeudi, Nicolas Sarkozy estime qu'il pourrait être "obligé", pour "la France", de revenir à la politique. Pour Arnaud Mercier, professeur en communication, l'ex-président veut s'inscrire dans une posture gaullienne.

Pour la première fois depuis la fin de son mandat présidentiel, Nicolas Sarkozy a accordé une interview à des journalistes. Dans un entretien à paraître jeudi dans les pages du magazine Valeurs Actuelles, l’ancien chef de l’Etat a évoqué un éventuel retour en politique, mais seulement comme recours si le pays se trouvait "tenaillé entre la poussée de l'extrémisme de gauche et celui de droite".

"Il y aura malheureusement un moment où la question ne sera plus : 'Avez-vous envie ?' mais 'Aurez-vous le choix ?', explique-t-il dans l’entrevue. "Dans ce cas, je ne pourrai pas continuer à me dire : 'Je suis heureux, j'emmène ma fille à l'école, et je fais des conférences partout dans le monde'. Dans ce cas, effectivement, je serai obligé d'y aller. Pas par envie. Par devoir. Uniquement parce qu'il s'agit de la France."

L'homme providentiel

À la lecture de cette entrevue, Arnaud Mercier, professeur en communication politique à l’Université de Lorraine, est surtout frappé par le vocabulaire choisi par l’ex-pensionnaire de l’Elysée. En affirmant qu’il "serait obligé" de revenir en politique par devoir, Nicolas Sarkozy se positionne en homme providentiel, à l’image du Général de Gaulle en mai 1958 : "Il se place comme une figure gaullienne. Il ne veut pas apparaître comme un ambitieux qui n’a pas accepté sa défaite, il montre au contraire une posture d’homme politique qui est là pour son pays".

Selon ce spécialiste, ces confidences marquent également un tournant. "Pour la première fois, c’est lui qui sème les petits cailloux qui préparent la voie à son retour en politique. Jusqu’à présent, c’était son entourage et "Les Amis de Nicolas Sarkozy" qui préparaient le terrain. Désormais c'est lui qui ouvre des perspectives, même si ce n'est pas non plus un engagement ferme", note-t-il.

Le chercheur souligne aussi que le timing de cette interview est particulièrement calculé. Alors que François Fillon se dit au même niveau que l’ancien président, que Xavier Bertrand prépare sa candidature pour 2017 et que Jean-François Copé s’affirme comme le patron de l’UMP, Nicolas Sarkozy veut se rappeler au bon souvenir de son électorat : "Ne rien dire pendant encore deux années et ne sortir du bois qu'avant les primaires serait trop dangereux. Il laisserait s’installer l’idée qu’il y a un vide et qu’il est légitime que d’autres le comblent. Il veut les empêcher de s’organiser et geler un peu les choses.

Un manque d'envie?

Malgré ce "coup de com" savamment orchestré, Nicolas Sarkozy souffle le chaud et le froid. Il n’hésite pas à évoquer son manque d’envie et "l’ennui mortel que lui procure le monde politique". "Regardez comment j'ai été traité ! (...) Vous croyez vraiment que j'ai envie ? Sans compter la manière dont ils ont traité ma femme ?", affirme-t-il ainsi à Valeurs Actuelles.

Pour Arnaud Mercier, ces propos ne sont pas contradictoires : "Il y a une forme de lassitude du jeu politique qui me paraît sincère. Il avait l’air soulagé de ne plus être président. On peut le prendre au sérieux quand il parle de circonstances exceptionnelles pour son retour". Nicolas Sarkozy serait donc prêt à revenir sur le devant de la scène, mais pas à n’importe quel prix :"Il ne veut pas être un candidat parmi les autres. Il envisage son retour dans le cas où il serait appelé".

Arnaud Mercier est l’auteur de La communication politique, 2008, Paris : CNRS Éd.,