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Législatives italiennes : le tsunami Beppe Grillo déferle sur Monza

envoyé spécial à Monza, Italie – Plus populaire qu'une Ferrari, l'humoriste italien Beppe Grillo s’est rendu dans la ville de Monza, connu pour son circuit de F1. Reportage en marge de cette 69e étape de la "tournée du tsunami" ayant électrisé une campagne électorale bien terne.

Dans la petite ville industrielle de Monza, les habitants sont habitués aux vrombissements des Ferrari et des McLaren qui, chaque année, foncent telles une armée de moustiques sur le circuit de Formule 1 local. Mais, ce mardi, c'est au tintamarre de la "tournée du tsunami" du blogueur et humoriste Beppe Grillo qu'ils ont dû faire face.

"Nous avons dû nous y prendre à trois reprises pour trouver une place assez grande, souligne Gianmarco Corbetta, élu local et membre du Mouvement cinq étoiles du célèbre comique. Un vent de changement balaye l’Italie et nous y contribuons."

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DÉCRYPTAGE

Alors que la plupart des candidats aux élections législatives des 24 et 25 février ont fait campagne sur les plateaux de télévision, le charismatique leader du Mouvement cinq étoiles a sillonné plus de 70 villes et villages à bord d’un camping-car. Et, malgré un froid mordant, le public était toujours plus présent. Surfant sur la grogne populaire nourrie par la corruption des politiques et des mesures d’austérité imposées par le gouvernement technocratique de Mario Monti, le comédien aux cheveux hirsutes exhorte les Italiens à envoyer "tous les politiciens faire leurs valises".  

"Ils nous ont sous-estimés et il est temps qu’ils se rendent", a lancé Beppe Grillo devant plusieurs milliers de personnes rassemblées sur la place Cambiaghi. Qu'ils lèvent les mains et nous ne leur ferons pas de mal. Mais ceux qui ont volé notre argent devront le rendre et commencer à travailler pour la société."

 "Il donne l’impression de réellement comprendre nos attentes"

Sa voix encore éraillée par le dernier meeting tenu devant 30 000 personnes à Milan, le comédien de 69 ans a égratigné les hommes politiques qui "se sont auto-adjugé des pensions de 90 000 euros par mois alors que la plupart des Italiens gagne difficilement 1 000 euros", l’État qui fournit un réseau Internet "plus lent qu’au Ghana", un système judiciaire qui représente "un tiers des avocats d’Europe" et "laisse 9 millions de procès en cours quand la Grande-Bretagne n’en compte que 300 000". Des mots auxquels la foule a répondu en scandant "A casa, a casa ! ["renvoyons-les à la maison !]"

"Il donne l’impression de réellement comprendre nos attentes", explique Antonio Bruni, un ouvrier en métallurgie d’une vingtaine d’années qui considère que la classe politique n’a jamais "été aussi pourrie".

Le Mouvement cinq étoiles est la dernière expression du sentiment d’anti-"establishment" cristallisé depuis plusieurs décennies. Personnalité liée au Parti pirate et à Occupy Wall Street, Beppe Grillo n'aime rien tant que de lancer de piques contre le fisc qui rappelent davantage à Silvio Berlusconi. C’est en 2007 que sa croisade contre la classe politique a commencé avec le lancement sur Internet d’un vaste mouvement de protestations baptisé "Vaffanculo Day" ("la journée va-te-faire voir"). Fondé deux ans plus tard, son mouvement  fait aujourd’hui figure, dans les sondages, de troisième force politique du pays, derrière le Parti démocrate et le parti du Peuple de la liberté de Silvio Berlusconi.

Selon de récentes enquêtes, le Mouvement cinq étoiles pourrait remporter 16 % des voix, juste devant la coalition centriste du président du Conseil sortant, Mario Monti. En écartant l’idée de former une alliance avec les principaux partis, Beppe Grillo empêchera la droite et la gauche de former une coalition stable.

Créer une "web démocratie"

Daniela Gobbo, l'une des porte-parole de la formation dans la région de Monza, réfute l'intention qu'on prête souvent au Cinq étoiles de vouloir paralyser le Parlement. "Si les politiques sont bonnes, nous les soutiendrons". Mais, à l’exception de la santé et de l’environnement, le parti de Beppe Grillo n’avance pas beaucoup de propositions. "Beppe est juste une luciole qui éclaire notre chemin. C’est à nos candidats-citoyens de faire le reste", estime Daniela Gobbo. Pour cette jeune femme de 33 ans, le Mouvement cinq étoiles a remporté une première victoire en donnant un nouveau souffle à la vie politique italienne. "Quatre années de télévision ont manipulé et obscurci le jugement des Italiens. Nous les avons fait redescendre dans la rue et nous les avons placés au cœur du débat politique."

Sa formation souhaite surtout impliquer et responsabiliser davantage les citoyens dans la prise de décisions politiques, tout en leur rendant des comptes, à travers une Web démocratie. "Chaque mot prononcé au Parlement et chaque arrangement sera immédiatement rendu public via Internet", insiste Gianmarco Corbetta, conseiller municipal de Monza.

Sans surprise, les principaux partis politiques lui ont collé l’étiquette de "populiste", un titre qu’il endosse avec fierté en le placardant partout sur son camping-car.