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Mali : Tombouctou, ombre et lumière

Tombouctou, au nord-ouest du Mali, a été occupée par les islamistes pendant près d'un an. Fin janvier, elle a été reprise par les forces franco-maliennes. Depuis, les habitants goûtent de nouveau à la liberté. Mais les communautés arabes et touareg sont accusées de complicité avec les fondamentalistes et sont victimes d’actes de représailles.

Nous sommes arrivés à Tombouctou le 9 février, deux semaines après la libération de la ville, le 28 janvier. La ville mythique est encerclée de chars et de militaires français et maliens.

À l'intérieur, des bâtiments effondrés : lycées, facultés, gendarmeries, hôtels... Les djihadistes en avaient fait leurs bases. Ces bâtiments ont été rasés par les frappes aériennes lors de l’opération Serval.

Des destructions encore, cette fois commises par les terroristes pendant leur occupation : les mausolées, les manuscrits, les moteurs des barges qui faisaient passer sur le fleuve Niger voyageurs et véhicules arrivant du désert… Les réseaux électriques et les arrivées d’eau ont aussi été sabotés. Dans les quartiers chanceux, l'électricité marche de 18 heures à 23 heures. Et l'eau, quand elle veut…

Les stations de télévisions sont détruites, les paraboles arrachées. Il ne reste plus qu'une radio. Toutes les autres ont été fermées par les djihadistes. Ses jeunes propriétaires ont été pris en otage par les islamistes armés et avaient pour ordre de diffuser les chants coraniques qu'ils leur apportaient sur clef USB, à la place du rap et des musiques locales habituelles.

Nous avons assisté au premier jour de rentrée scolaire. Une reprise plus symbolique que réelle. Tous les établissements ont fermé sous l'occupation. Les enfants, plein de joie, dépoussiéraient avec cœur leurs salles de cours et ouvraient les volets, fermés depuis près de dix mois. Les militaires maliens ont fait le tour des salles de classe : "Faites attention aux mines et aux armes ! Ne jouez pas avec des objets que vous ne connaissez pas !"

L'instituteur, qui organisait des cours clandestins à l'arrière de sa maison, a choisi de faire une leçon improvisée sur l'union du pays. À la question : "Qui divise le Mali ?" Les élèves répondent en chœur : " Le MNLA ! Ansar Dine ! Les Arabes !"

Les Arabes. L’un des plus lourds problèmes de Tombouctou aujourd’hui, avec les Touareg. La population, petits et grands, armée malienne comprise, les associe aux oppresseurs d’hier. Résultat : leurs commerces ont été pillés, même si la majorité a fui la ville. Les Touareg étaient près de la moitié de la population, les arabes 15 %.

Lorsque nous étions à Tombouctou, il ne restait que trois familles d'Arabes. Nous les avons suivies dans leur quotidien. Et puis un matin, elles ont disparu, embarquées par des hommes en tenue de soldats maliens à bord de véhicules militaires. C'est cette histoire que nous racontons dans ce reportage.

Un grand reportage d’Alexandra Renard, Eve Irvine et Chady Chlela

Tags: Mali, Islamisme,