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Autorisée à rentrer en France, Sevil Sevimli n’en a pas fini avec la justice turque

Emprisonnée puis contrainte de rester en Turquie, la Française Sevil Sevimli est désormais libre de rejoindre son pays. Mais la saga judiciaire continue : accusée de propagande terroriste et condamnée à cinq ans de prison, elle va faire appel.

Après le soulagement, les interrogations. La jeune Française Sevil Sevimli, arrêtée en Turquie en mai 2012 pour ses liens supposés avec une organisation clandestine d’extrême-gauche, peut enfin rejoindre Lyon, sa ville d’origine. Mais la justice turque n’a pour autant pas blanchi l’étudiante : à l’issue d’une cinquième audience, un tribunal de Bursa, dans le nord-ouest du pays, a abandonné la charge "collusion avec une organisation terroriste", mais l’a reconnue coupable de "propagande terroriste". Elle a écopé d’une peine de cinq ans et deux mois de prison ferme.

"Il va falloir qu’on fasse le point sur toutes les conséquences de ce jugement, a réagi Hervé Magro, consul de France à Istanbul, interrogé par FRANCE 24. Il y a à la fois une condamnation, et il faut que nous regardions ce que cela veut dire exactement, et puis en même temps, le tribunal a décidé de lever l’interdiction de sortie du territoire, ce qui est un fait positif." La jeune femme restera donc libre jusqu’à son procès en appel.

"Nous allons faire appel, la procédure n’est pas finie", a commenté maître Inayet Aksu, avocat de Sevil Sevimli, à l’issue de l’audience. "On est soulagé [qu’elle puisse rentrer en France, ndlr], mais on va maintenant voir comment on continue pour innocenter Sevil", a renchéri Danielle Lebail, conseillère régionale de la région Rhône-Alpes, interrogée à la sortie du tribunal.

Soupçonnée d’appartenir à un groupe terroriste

Sevil Sevimli a été interpellée le 10 mai 2012 alors qu’elle participait à un échange Erasmus avec la Turquie. Placée pendant trois mois en détention provisoire, l’étudiante de 20 ans a été remise en liberté sous contrôle judiciaire, lui interdisant de quitter la Turquie. Elle a été accusée d’appartenir au Front révolutionnaire de libération du peuple (DHKP-C). Ce groupe d’extrême-gauche, à l’origine de nombreuses actions violentes en Turquie depuis la fin des années 70, est classé sur la liste des organisations terroristes en Europe et aux États-Unis. Le DHKP-C a notamment revendiqué, le 1er février, un attentat suicide contre l’ambassade des États-Unis à Ankara.

La jeune femme, bien que politiquement très à gauche, a toujours nié son appartenance à ce groupe, et dénoncé le manque de preuve corroborant les accusations dont elle est l’objet. Les autorités lui reprochent d’avoir participé à un défilé, pourtant autorisé, le 1er mai à Istanbul, et d’avoir, à l’instar de quelque 300 000 personnes, assisté au concert du groupe Yorum. L’étudiante de 21 ans avait également collé une affiche en faveur de la gratuité de l’enseignement et participé à un pique-nique étudiant.

Née de parents kurdes, ayant émigré en France au début des années 80, Sevil Sevimli est considérée comme Turque par les autorités d’Ankara, ce qui a rendu impossible toute intervention de Paris dans le dossier. La jeune femme encourait jusqu’à 32 ans de prison. Elle devrait rentrer en France, après avoir versé 10 000 livres turques, soit 4 250 euros.